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Nouvelle-Calédonie : encourager la culture du pardon et de la réconciliation

 

Le 4 novembre, les habitants de la Nouvelle-Calédonie, Territoire d’Outre-Mer de 268 000 habitants, seront invités à se prononcer par référendum sur la question de leur avenir institutionnel : « voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Cette consultation marque la fin d’un processus de trente ans, depuis les Accords de Matignon signés en 1988 sous la férule de Michel Rocard entre les indépendantistes, majoritairement Kanaks, et les partisans du maintien du Territoire au sein de la République française, essentiellement des Européens descendants de colons, bagnards, négociants, de métropolitains et de personnes d’origines diverses ayant immigré au fil des vicissitudes de l’histoire. L’inquiétude de cette population — toutes origines confondues — de voir ressurgir des actes de violence que le Territoire a connus, notamment lors de ce que l’on appelle localement « les événements » de 1984 à 1988, est bien légitime. Cependant elle incite tout autant à méditer sur un trait particulier de cet archipel : la forte imprégnation du christianisme ainsi que la diffusion d’une profonde « culture du pardon » issue du monde kanak où « la coutume » (échange traditionnel de cadeau et règles de bienséance) joue un rôle majeur.

Il est difficile de définir tout ce que ce mot de « coutume » recouvre tant il s’agit d’une réalité vécue par celui ou celle dont la place est assignée par sa naissance ou son adoption au sein des clans. Les Mélanésiens, comme les autres peuples du Pacifique vivant sur des îles exiguës, ont développé une culture de la survie qui passe par l’établissement de relations sociales aussi étendues et pacifiques que possible. L’introduction du christianisme dans les années 1840 dans sa version protestante d’abord, puis catholique, n’a pas abouti à l’anéantissement de cette « coutume », qui s’est adaptée, voire saisie de cette nouvelle religion « porteuse de paix » pour conforter certains aspects, parmi lesquels le pardon et la réconciliation.

L’exemple le plus frappant est la spectaculaire réconciliation entre les familles Tjibaou et Yeiwéné d’une part et la famille Wéa d’autre part. Le 4 mai 1989, les deux leaders indépendantistes Jean-Marie Tjibaou de Hienghène, en Grande-Terre, et Yeiwéné Yeiwéné, de l’île de Maré, sont abattus à Gossannah sur l’île d’Ouvéa par un autre indépendantiste kanak, Djubelly Wéa. Ils étaient venus pour une coutume de lever de deuil, un an après une prise d’otages dans la gendarmerie de cette île qui avait fait 4 morts, puis l’assaut des forces armées dans la grotte où ils étaient retenus, qui se sont soldés par la mort de 2 militaires et de 19 preneurs d’otages, événements qui ont traumatisé tout le territoire. tentative de réécriture. Au-delà des questions politiques, la mort de deux Kanaks causée par un troisième lors d’une cérémonie rituelle, constituait un acte dépassant l’imagination. Pour mettre finà cette forme de bannissement et pour pouvoir demander pardon, la famille Wéa, mais aussi tout le village de Gossanah se sont tournés vers les Églises, protestante et catholique, pour être aidés dans leur démarche. Cela a pris une quinzaine d’années avant que cela aboutisse. En juillet et août 2004, les gens d’Ouvéa se sont rendus à Hienghène et à Maré pour demander et obtenir le pardon et la reprise de relations normales entre les familles et entre les îles. Des moments extrêmement intenses ont été vécus avec des coutumes présentées à genoux. Des explications pénibles sur le déroulement de l’assassinat de leurs pères ont dû être données aux enfants, trois veuves, d’une dignité impressionnante, ont reconnu leur douleur commune, se sont embrassées. De l’aveu de tous, cette réconciliation a aussi été rendue possible grâce à une foi profonde de tous les protagonistes, à ce pardon demandable, demandé, et accordé au nom du Christ. Des gestes forts ont aussi été faits envers la Gendarmerie nationale.

Que se passera-t-il après le 4 novembre 2018 ? Il est probable que la Nouvelle-Calédonie reste au sein de la République française. Un groupe de « sages » de la société civile et du monde politique élabore une charte du destin commun, dans laquelle il y aurait une mention de l’importance de la foi chrétienne pour la société calédonienne. Ce serait faire droit à l’histoire, et à l’avenir

 

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À propos Gilles Vidal

enseigne l’histoire contemporaine à l’Institut Protestant de Théologie (faculté de Montpellier). Il est également co-directeur du Centre Maurice-Leenhardt de recherche en Missiologie.

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