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Un héros simple et austère

 

L’édition de correspondances de soldats de la Grande Guerre est un exercice littéraire et historique bien connu, notamment en ces années de commémoration. En nous (ré)offrant celle de Samuel Bourguet (1864-1915), les éditions Ampelos y apportent une contribution hautement intéressante, l’excellent travail éditorial de cet ouvrage permettant une restitution précise de la correspondance et notamment des passages censurés.

Officier protestant, fils de pasteur, le lieutenant colonel Bourguet suscite naturellement la sympathie par les qualités de sa personne et l’honneur de ses opinions. Républicain au sein d’une armée très marquée par un conservatisme affirmé, il se montre hostile à l’antisémitisme et défend le capitaine Dreyfus. Patriote fervent mais éloigné de tout sentiment de haine, il se refuse à prier Dieu pour accompagner les armées françaises, « vœu tout égoïste et sûrement inefficace ». Brillant théoricien de la liaison des armes, Samuel Bourguet est convaincu que l’adoption de ses thèses aurait pu empêcher l’invasion du territoire à l’été 1914. Mais son double « défaut » d’être républicain et protestant face à une hiérarchie de conservateurs catholiques semble ralentir sa carrière et l’écho de ses positions. Héros simple et austère, il est viscéralement attaché à sa famille autant qu’à son devoir de soldat (alors même que la guerre l’empêche d’assister au mariage de sa fille). Intéressé par les conditions de vie du plus simple de ses hommes, Samuel Bourguet nous livre, à travers ses lettres, l’image complexe d’un conflit où chacun accomplit le devoir que les circonstances tragiques lui imposent dans ce qu’il qualifie de « guerre de forteresse », au milieu de la boue et des obus, dans « cette vie de tranchées si nouvelle pour tous et qui nous reporte de deux ou trois cents ans en arrière ». Consacrées aussi bien au suivi minutieux du budget familial qu’à des réflexions sur « l’œuvre de destruction » qu’est la Première Guerre mondiale, débattant de la stratégie militaire autant que de l’avenir matrimonial de ses enfants, les lettres de Samuel Bourguet soulignent l’humanité profonde de ces hommes luttant autant contre l’ennemi que contre l’inhumanité du cataclysme, héros innombrables « mort[s] obscurément et simplement pour que la France vive ».

Samuel Bourguet, L’aube sanglante, Paris, Ampelos, 2017, 228 pages.

 

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À propos Maxime Michelet

est étudiant, diplômé d’un master d’Histoire contemporaine à la Sorbonne ; issu d’une famille de tradition athée, il a rejoint le protestantisme libéral à l’âge adulte à travers le temple de l’Oratoire du Louvre de Paris.

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