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Christ au mont des oliviers de Mantegna

Andrea Mantegna, La Prière du Christ au jardin des oliviers (1457-1459), bois ; H. : 71,1 cm ; L. : 93,7 cm – Tours, Musée des Beaux-arts. Cliché E.T.

Si le spectateur est tout d’abord saisi par le contraste entre la solitude et l’angoisse de Jésus, et l’abandon de ceux qui l’entourent, il peut en deuxième lecture déceler sous le pinceau de Mantegna les signes d’un renouveau.

Andrea Mantegna (1431-1506) reçut la commande d’un retable composé d’une Vierge à l’Enfant assise sur un trône, entourée d’anges musiciens et accompagnée de Saints peints sur les panneaux latéraux, pour le maître-autel du monastère de San Zeno de Vérone. Trois tableaux y sont unis par une pièce horizontale supérieure (architrave) décorée de guirlandes qui les enclave dans un même espace. Au-dessous, trois panneaux représentent la Passion. Ce retable fit partie des saisies napoléoniennes en 1797 ; lors de sa restitution à l’Italie, les éléments de la partie inférieure du retable (prédelle) restèrent en France et des copies les remplacèrent. La peinture centrale, La Crucifixion, est au musée du Louvre ; La Prière du Christ au jardin des oliviers et La Résurrection sont au musée des Beaux-Arts de Tours.

Après avoir partagé la Cène, Jésus se retire sur la colline de Gethsémani, au jardin des oliviers, avec Pierre, Jacques le Majeur et Jean, auxquels il demande de veiller et de prier avec lui. Mais les apôtres se sont endormis, confiants dans leur maître, et ne partagent pas avec lui cette nuit de tourments. Le moment représenté est l’aube ; une douce clarté manifeste le grand rocher rose au pied duquel Jésus est en prière, les bras appuyés sur un rocher gris, les yeux levés vers le ciel ; il s’adresse au Père afin d’éloigner le supplice. La tension de sa jambe au pied dégagé suggère qu’il veut se lever, peut-être pour échapper à sa destinée. Néanmoins il acceptera le calice que lui propose un ange.

Les apôtres dorment, ignorant que se jouent en cet instant leur salut éternel et l’avenir du monde. Mantegna les a représentés dans des poses qui tiennent compte de la perspective, « en raccourci », qui accentuent le relâchement de leur corps dans l’inconscience de la souffrance extrême de celui qu’ils n’ont su accompagner. Pierre est confortablement installé, les couleurs solaires de ses vêtements contrastent avec ceux plus sombres de Jean assis la tête inclinée sur son bras, il dort la bouche entrouverte. Jacques est à plat ventre, sa tunique rose pâle aux couleurs du Christ. Que peut signifier ce sommeil des apôtres ? Suggère-t-il que les plus grands combats sont invisibles car ils se vivent face aux puissances du doute, et dans la solitude de l’âme ?

Cette scène se passe dans un jardin dont un arbre, fendu à mort, supporte une liane aux feuilles denses et portant du fruit, symbole de résurrection. De l’autre côté, de part et d’autre de Jésus, deux arbres fruitiers luxuriants sont pleins de promesses. Un peu plus loin deux ruches accolées et leurs abeilles bourdonnent dans le petit matin.

Moment de silence suspendu avant que la vie quotidienne ne reprenne ses droits. La ville semble s’éveiller à un jour nouveau animé de nuages lourds de mystères. Mantegna nous donne à percevoir à gauche de l’arbre mort un lapin, autrefois symbole de vie et de mort, car pullulant dans les cimetières, d’où le glissement vers le sacrifice et la résurrection du Christ. Il traverse le pont enjambant une rivière alimentée par une canalisation dont l’eau tombe en cascade sur un amas de pierres ; bruit pur qui couvre celui des pas sourds de Judas, en rose, guidant ceux qui viennent arrêter Jésus. Il s’apprête à franchir le pont, à commettre l’irréparable. Les apôtres dorment mais Jésus sait que son heure est venue.

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À propos Laurence Tardy

a travaillé pour le ministère de la Culture et celui de l’Éducation nationale en Histoire de l’Art et en Médiation culturelle. Elle poursuit son enseignement devant les oeuvres des musées pour l’École du Louvre.

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