Dans le métro, mon wagon s’arrête devant une publicité de Médecins du monde. Je suis médusée par la réalité de la photo. Un camp de réfugiés avec des toiles de tentes. Noir et blanc. Une sorte de jungle de Calais, sous la pluie, avec un titre provocateur : « Beauté du monde ». Mon sang se glace. Et en dessous, ce texte : « Beauté du monde. Pour l’entrevoir, il faut parfois le pire. Le ciel assombri en un cauchemar mugissant. Des arbres devenus brindilles. Des tôles pareilles à du carton. Il faut les cris de terreur devant l’eau, la boue, le vent, dont la furie emporte tout. Il faut le choléra. L’ironie de la soif après tant d’eau déversée. Et c’est alors, et seulement alors qu’on l’aperçoit. Entre les murs d’un centre de soins érigés pour ceux qui n’ont plus rien. Sur le visage d’un homme qui, enfin, a pu boire. Dans le regard d’une mère dont on a pu sauver l’enfant. C’est ça la beauté du monde. » J’ai envie de pleurer.
Je rentre à la maison préparer le culte de Noël. C’est ma vingtième année de ministère. Est-ce que Noël a encore du sens pour moi ? Des nouvelles alarmantes de Berlin arrivent, et ce carambolage en Vendée, et cet homme décapité. Et tout le reste qu’on ne sait pas ou qu’on oublie… Cela ne finira jamais. Combien de personnes vont passer Noël en pleurs ? Et en révolte ? Il y a de quoi.
Je regarde les textes bibliques pour le 25 décembre. Évangile de Jean. « Au commencement était la Parole ». Celle qui fait apparaître la lumière, du cœur des ténèbres. Jésus, beauté cachée du monde ? « La lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas reçue. » Zut, on a fait mieux comme bonne nouvelle ! La lumière ne m’éclaire pas plus que les autres. Je reprendrai ma prédication plus tard. Vient le matin. Rien n’a changé depuis hier, et pourtant tout est nouveau. La lumière brille dans ma maison, encore un peu blafarde, et se diffuse doucement. Pour l’entrevoir, il faut parfois le pire, comme le dit Médecins du monde. Mais il y a des personnes, comme l’écrit Jean, qui perçoivent cette lumière, qui l’accueillent, et qui la transmettent. Ces personnes deviennent à leur tour une source de lumière. C’est leur beauté cachée. La Parole en actes.
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