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Toute identité est poreuse et mouvante, tant qu’elle est vivante

299-09-3Cette phrase est extraite de l’excellent livre de Delphine Horvilleur. Il ne faudrait pas que le titre humoristique Comment les rabbins font les enfants laisse imaginer que le propos est léger. Il n’en est rien. L’auteur est une rabbin française, membre du Mouvement juif libéral de France, qui dirige la rédaction de la revue libérale juive Tenou’a. Après avoir consacré un ouvrage fin et intelligent au féminin (En tenue d’Ève), elle se lance dans une étude sur la fabrique de l’identité au sein du judaïsme.

L’ouvrage, qui se lit aisément, traite du sujet en parcourant trois thèmes : la parentalité, la transmission de l’identité juive et le désir. Lorsqu’elle étudie la parentalité, Delphine Horvilleur évoque, à la fois avec humour et sérieux, le cliché de la mère juive, mais aussi la circoncision et le sens que l’on peut donner à cet acte, ou encore la nécessaire séparation des parents et des enfants. L’auteur s’appuie sur l’exégèse de textes bibliques pour délivrer un message de libération et de responsabilisation, deux piliers pour la construction d’une identité saine et source de vie. Dans un deuxième temps, elle propose une relecture de la transmission de l’identité juive et montre qu’en réalité, ce sont les enfants qui construisent les parents et non l’inverse. Elle se penche aussi, toujours en partant de textes bibliques et de leur interprétation dans la tradition, sur les représentations de la grossesse et de l’embryon véhiculées dans le judaïsme. Toute cette seconde partie de l’ouvrage est aussi instructive qu’elle est prenante, et il n’est nul besoin d’être juif pour se reconnaître dans l’histoire humaine que Delphine Horvilleur raconte. Enfin, la dernière partie du livre est consacrée à « la fabrique du désir », à la place et à la beauté de l’éros et de la sexualité dans la construction d’une identité.

À une époque où trop de croyants sont enfermés dans une identité religieuse sclérosée, où l’altérité est perçue par beaucoup comme une menace, ce livre aide à repenser ce qu’est une identité fabriquée dans et en dialogue avec une religion. Il offre ainsi une voie de construction ouverte, sereine et pleine de vie. L’auteur semble incarner de manière admirable ce qu’elle propose. Elle est à l’aise avec son époque (elle cite ici ou là des chansons, des répliques de film, des livres), en étant manifestement passionnée par sa tradition, par l’interprétation des textes bibliques, et offre ainsi à ses lecteurs un dialogue avec les textes bibliques réjoui et réjouissant, à l’origine d’une pensée épanouie et épanouissante.

Delphine Horvilleur, Comment les rabbins font les enfants, Paris, Grasset, 2015, 209 pages.

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À propos Abigaïl Bassac

est titulaire d’un master de l’École Pratique des Hautes Études (section des sciences religieuses) et étudiante en master de théologie à Genève. Elle est assistante des enseignants à l’Institut Protestant de Théologie et directrice de la rédaction d’Évangile et liberté.

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