L’incarnation en art

Source d’émerveillement et de grâce… Picturalement, elle peut être non seulement regardée, goûtée, mais lue, comme existence et ouverture sur le monde !

Florentine, cette Petite Vierge à l’enfant témoigne d’un moment clé de la seconde moitié du XVe siècle. Sa vie de tableau a voulu qu’elle se retrouve en climat « protestant libéral » depuis plusieurs générations. D’où notre considération particulière ? Mais pas seulement ! L’exigence actuelle de l’histoire de l’art requiert, pour comparution et paroles sur une œuvre, les points cardinaux suivants : – l’auteur – la date de création – la provenance – et la valeur fiduciaire. Or ici… mystère !

 La question de l’auteur

Assurément (à gauche), une signature nominale a pu être posée dans la suite du mot FIRENZE, sur le rebord, sous l’enfant Jésus ; et une date en chiffres romains a figuré avant le FEDI (à droite). Seulement voilà, ces éléments n’y sont plus – tous deux retirés. Pourquoi ? Est-ce pour mieux permettre une autre forme de Présence ? Une autre incarnation que celle de la revendication d’une main humaine ? Car à la pré-Renaissance, il y a eu balbutiements avant l’apparition « naturelle » de la signature des maîtres ; doutes cruels ou crises sur le bien-fondé du moi par rapport aux valeurs de l’Église, avant les principes de l’individuation : dans un contexte « à la Savonarole » – un repentir de foi et de croyance ? Image entre deux visions du monde, ce sont bien les enjeux d’une affirmation et de son contraire qui intriguent. Et, n’en déplaise aujourd’hui aux considérations rationalistes et fondamentales sur le marché, il s’y est joué quelques valeurs de résonances supérieures !

Autre approche

Ici, une formule de purification du genre « à Dieu seul la gloire » aurait pu prévaloir sous le vernis final… Peut-on alors qualifier l’œuvre de trois adjectifs complémentaires au trouble et au vertige d’altérité qu’elle peut faire naître : naïve, savante, presque humaine ? Encore très jeune artiste, l’on m’introduisit dans une collection privée (avec discrétion) ; et, ce jour, face à cette Vierge à l’enfant, je fis l’expérience d’un vécu inoubliable !… Une peinture religieuse de 44 x 29 cm pouvait être autre chose « qu’une bondieuserie de chevet de lit » ou de convenance.

 Évocation et présence

Là, tous les éléments du métier fondent, écrivent, nomment. Examinons le parcours proposé par la mise en évidence de détails successifs. C’est d’abord l’inaltérable de l’or qui sacralise (en 1-2-3), au sommet, le cadre ouvert pour que l’auréole de la Vierge engendre une identité ; ouvre au dialogue d’amour ! De (3 à 4) bonne nouvelle : 1-incarnation-de-l’or-en-jaune-d’or parsemée de + « petits-triangles ». Remarquable aussi, le plissé en fleur de lys et les gestes royaux. Les couleurs rubissang (losanges rouges, en 5, avec parement vert). Les vêtements bleu-nocturne pour greffer l’étoile-soleil (6-7) introduisant : l’esprit d’envol du chardonneret et l’effet spatial des lointains… des montagnes ! Moment charnière pour la présence, ce peintre travaille en technique mixte : tempera, huile, vernis. Les peintures à l’ancienne ayant comme véhicule l’eau sont par nature liées au religieux. Dans leur mise en oeuvre « il en va comme d’une prière ». La volonté première dépend d’une certaine réponse au séchage. En effet, pour modifier le regard, éprouver la vitalité de ce qui se vit dans la beauté, une intention est au bout du pinceau, mais on ne sait encore, ici, les réponses de la Grâce !

Pour faire un don, suivez ce lien