Les scores successifs du FN aux dernières élections devraient nous inviter à penser autrement la question de l’immigration et de l’intégration. C’est à la lumière d’un texte talmudique qu’il me paraît possible d’appréhender un changement de nos cadres de réflexion sur ce sujet.
Discutant le cas de l’effondrement d’un immeuble où résidents juifs et non-juifs se côtoient (les uns étant majoritaires et les autres minoritaires), les rabbins s’interrogent sur l’identité potentielle d’une victime anonyme ensevelie sous les décombres. Est-il légitime de suivre la règle de la majorité statistique pour définir l’identité de la victime ? Explorant les différents cas de figure possibles, le Talmud affirme finalement que tout résident permanent, quelle que soit son appartenance religieuse et ethnique, doit être considéré comme s’il représentait cinquante pour cent de la population totale. Que signifie cet enseignement surprenant ?
Il me semble que le Talmud propose un basculement du traitement classique de la minorité objective vers l’intégration de celle-ci comme parité subjective de la société. L’autre, tout en restant défini par son appartenance propre à une identité minoritaire, se voit reconnaître la potentialité d’une parité subjective. Il représente, de par son existence propre, la moitié de la population dans sa totalité. Ni majoritaire, ni minoritaire, simplement égal en toute part.
Les citoyens européens musulmans sont minoritaires. Mais ne faudrait-il pas cesser de se référer à cet aspect statistiquement objectif des faits pour prôner la parité subjective que cette présence musulmane devrait impliquer ? Subjectivement cinquante pour cent de la population, ce ne serait pas plus aux musulmans de s’adapter aux fondements laïcs de l’Europe qu’à cette dernière de s’adapter au référentiel religieux de l’islam, nouvel héritage commun d’un continent en mutation. La pensée juive réfute le sens unique de l’intégration, expression d’un rapport de force entre majorité et minorité. Pourquoi ne pas y substituer celui de la mutation paritaire, certes subjective, mais à double sens ?
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