Jean-Paul Augier : L’association Coexister est très récente, puisqu’elle a commencé en 2009. Dans quel contexte a-t-elle pris naissance ? Karim-Pierre Maalej:
L’association a été créée à l’initiative de Samuel Grzybowski, qui a pris conscience de la nécessité d’agir en faveur de la cohésion civile lorsque des manifestations pro-israéliennes et pro-palestiniennes ont dégénéré en affrontements. Le risque était grand de voir ce conflit politique étranger provoquer un conflit communautaire sur le sol français. Afin de se prémunir contre ce risque, un rassemblement interreligieux de prière pour la paix a été organisé à Paris et c’est à cette occasion que Samuel, alors âgé de 16 ans, a lancé l’idée d’un groupe de dialogue interreligieux à destination des jeunes.
D’abord simple groupe de dialogue dans un quartier parisien, l’association s’est développée rapidement au cours des années qui ont suivi : constitution en association loi 1901 ; mise en place de la méthode « diversité dans la foi, unité dans l’action », qui dépasse le simple dialogue et, avec la jeunesse de ses membres, fait l’originalité de l’association Coexister ; création de groupes locaux dans des dizaines de villes, développement à l’international…
– Votre association est un mouvement de jeunes mais aussi une entreprise sociale, expliquez-nous cette particularité ? – Je souhaiterais d’abord éclaircir un point : quand nous parlons d’entreprise sociale, nous l’entendons bien au sens du terme entreprendre (et non pas au sens d’entreprise commerciale). En effet, selon la Harvard Business School, une entreprise sociale se définit comme « toute stratégie ou activité menée par une organisation à but non lucratif pour générer des revenus soutenant sa mission sociale ». La définition a depuis évolué pour intégrer également les activités à vocation sociale des entreprises commerciales et des acteurs publics, mais on voit bien qu’il n’y a pas d’ambiguïté au regard du statut d’association loi 1901 sous lequel nous sommes constitués. Lorsque nous facturons nos prestations, c’est exclusivement pour financer nos activités, pas pour faire gagner de l’argent à des personnes physiques. Coexister ! Ce pourrait être un appel de l’Évangile. C’est le nom d’une association qui entend favoriser le dialogue et la vie commune des différentes religions dans un État laïque.
Le but est double : diversifier nos financements, pour moins dépendre de subventions publiques et de mécènes privés, et ainsi assurer notre pérennité financière ; mais également professionnaliser nos prestations pour accroître leur qualité et nous permettre de répondre aux sollicitations dans un cadre de qualité. Cela fait de nous une entreprise doublement sociale : nous investissons sur un objet social les excédents réalisés par la vente de prestations elles-mêmes de nature sociale.
Aujourd’hui, cela concerne essentiellement notre « programme de sensibilisation », qui est d’une très grande qualité pédagogique. Tous ceux qui ont fait appel à nos services pour sensibiliser des jeunes au vivre ensemble, à la diversité des religions et des convictions, et à la laïcité bien comprise, à l’école, dans les camps de jeunesse ou dans les entreprises, peuvent en témoigner.
– Votre association se veut un « levier de la laïcité », spécialisée dans l’interreligieux ; comment êtes-vous reçus par les institutions laïques ? – Nous avons d’excellentes relations avec l’Observatoire de la laïcité, qui est un organisme public créé par Jacques Chirac, présidé par Jean-Louis Bianco et placé sous l’autorité du Premier ministre. Il est chargé de conseiller et d’assister le gouvernement sur toutes ses actions visant au respect du principe de laïcité. Ils nous reconnaissent comme un partenaire privilégié en matière de laïcité.
Nous avons également le soutien du Quai d’Orsay pour nos initiatives internationales comme notre tour du monde interreligieux Inter Faith Tour. Et bien sûr, nous sommes très heureux d’avoir remporté le label « Grand projet présidentiel » à l’issue du concours La France s’engage, que nous avons remporté grâce au soutien des internautes qui nous ont placés en tête de leurs suffrages.
Ce label nous permettra d’accéder plus facilement aux services de l’État ; il est une reconnaissance officielle de la qualité de notre travail au service de la société, du sérieux de notre organisation et de notre potentiel de croissance, ce qui ne peut qu’encourager de nouveaux partenaires, publics ou privés, à soutenir notre développement.
– On a l’impression que les problématiques liées au judaïsme et à l’islam sont très présentes dans votre association. – Nous veillons particulièrement à la représentation de juifs, de chrétiens, de musulmans et de non-religieux dans nos différentes actions ; mais sinon, nous ne faisons pas de distinctions particulières. Dans nos programmes de dialogue, il arrive fréquemment que nous allions visiter une église orthodoxe, que nous invitions un pasteur protestant. De même, pour l’islam, nous avons aussi bien invité un savant en droit islamique qu’assisté à une soirée de spiritualité soufie.
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