Comment l’histoire de Carmen est-elle devenue un mythe ? Comment le personnage éponyme de la nouvelle de Mérimée s’est-il transformé en une figure mythique ? Car avant d’être un opéra, Carmen est une nouvelle publiée par Prosper Mérimée dans La Revue des deux Mondes en 1845.
Mérimée adorait l’Espagne, il la connaissait bien pour y avoir séjourné plusieurs fois. Au cours de son 1er voyage dans la péninsule en 1830, il rencontra la Comtesse de Montijo, la mère de la future impératrice de France, et ce fut elle qui lui raconta un fait divers : une femme avait été tuée par son amant jaloux. Quinze ans plus tard, Mérimée décida d’écrire cette histoire. En bon connaisseur des moeurs des Gitans, il résolut de faire de l’héroïne Carmen une Bohémienne ou une « Romi », selon ses mots, et du héros, José, un Basque, « vieux chrétien » et hidalgo, ce qui lui donnait le droit de se faire appeler « Don José ».
Le terreau du mythe
Les protagonistes de la nouvelle appartiennent donc à deux ethnies antagoniques, les Gitans et les Basques, qui s’affrontent d’emblée sur le plan symbolique : errance contre enracinement (les Basques revendiquent un ancrage immémorial dans leur pays), désordre et ordre (une contrebandière face à un soldat du régiment des Dragons), femme diabolique implicitement opposée à un parangon de vertu basque (DonJosé ne dit-il pas de Carmen qu’elle « s’avançait en se balançant sur ses hanches comme une pouliche du haras de Cordoue. Dans mon pays, une femme en ce costume aurait obligé le monde à se signer » !).
Parallèlement d’autres oppositions se développent au gré de la narration : l’infidélité et la fidélité, l’amour et le devoir… laissant ainsi apparaître le jeu d’antagonismes au travers duquel Mérimée a choisi de traiter cette histoire.
Quelle est leur fonction ?
D’abord les antagonismes génèrent et instillent dans la nouvelle une intensité dramatique : l’affrontement entre deux mondes est tel (et ce bien que Don José soit passé du côté des contrebandiers) que la seule issue possible sera la mort des deux amants.
Ensuite ils dessinent deux protagonistes aux contours archétypaux : Carmen, marginale de par le monde auquel elle appartient, incarne la femme fatale, la séductrice, mais aussi la femme libre/libérée, incitant ses amants à la transgression des interdits. Don José lui, est l’homme séduit, quelque peu benêt, victime de l’amour fou, terrassé par la beauté de sa maîtresse, la fureur et la jalousie : « J’étais si faible devant cette créature que j’obéissais à tous ses caprices. » Et l’on voit poindre dans cette phrase, la thématique de La Femme et le Pantin, roman publié en 1898, qui se passe à Séville et dont l’héroïne, Concepción Pérez, travaille aussi dans une manufacture de cigares.
À ce réseau d’oppositions s’ajoute l’exotisme de l’Espagne – fascinante pour les écrivains romantiquesfrançais ! et plus particulièrement de l’Andalousie, pays des gitans, terre de gorges et de bandits. À « la gorge étroite entre deux contreforts de la sierra de Cabra » dans laquelle le narrateur s’engage avec son cheval au tout début de la nouvelle, fait écho la « gorge solitaire » où Don José arrête son cheval à la fin du récit, avant de tuer Carmen. Lieux de prédilection des brigands pour attaquer voire égorger les voyageurs, ces passages étroits et escarpés, symbolisent un espace sauvage, éloigné de la civilisation.
Le terreau du mythe était prêt ! Il restait à le faire fructifier. Henri Meilhac et Ludovic Halévy s’y employèrent ainsi que Georges Bizet, bien sûr.
Le mythe servi par l’opéra
Trente ans après la nouvelle de Mérimée, qui avait eu un certain écho, Carmen était créé à l’Opéra Comique, le 3 mars 1875. Il y eut à peine une cinquantaine de représentations jusqu’en février 1876, et le succès ne fut pas au rendez-vous.
En revanche il fut immédiat dès que Carmen franchit les frontières : en 1875 pour des représentations à Vienne, l’année suivante à Bruxelles, Anvers, Budapest puis en 1878 à Saint-Petersbourg, Stockholm, Londres, Dublin et plus tard à Naples, Montréal, Hambourg, Berlin, Prague, Genève, New York, Philadelphie, Mexico, Buenos Aires, Melbourne et Sydney.
Carmen est l’opéra le plus populaire du répertoire français et c’est l’oeuvre lyrique la plus jouée dans le monde. C’est pourquoi on peut dire que sans l’oeuvre de Bizet aidé de ses deux librettistes, la Carmencita de Mérimée n’aurait certainement pas connu un destin aussi mythique, car c’est bien l’adaptation de la nouvelle de Mérimée à l’opéra, le passage d’un genre à un autre, qui a favorisé le processus de mythification.
De quelle manière ?
Par rapport à la nouvelle, Meilhac et Halévy ainsi que Bizet accentuent les oppositions à différents niveaux : structure, décors, personnages, musique, espagnolades, de sorte qu’elles se combinent dans divers réseaux de signification qui vont permettre d’entendre l’oeuvre de plusieurs manières.
D’une certaine façon, les librettistes de Bizet épurent le récit de Don José qui occupe tout le chapitre 3 de la nouvelle en le réduisant à quatre épisodes spectaculaires donnant ainsi à l’opéra une structure symbolique : ordre, désordre et retour à l’ordre, représentée par des décors très typés. L’acte 1 s’ouvre sur une place de Séville où se trouvent à la fois la manufacture de tabac dans laquelle travaille l’élément perturbateur, Carmen, et le corps-de-garde auquel appartient celuiqui va compromettre l’ordre social en trahissant l’armée : Don José. Et c’est encore sur une place de Séville que se produit le retour à l’ordre (acte 4) avec la mort de Carmen en même temps que se clôt l’opéra. Entre les deux, le spectateur a été transporté dans le monde interlope de la taverne de Lillas Pastia où se côtoient officiers, Bohémiens et fêtards, puis dans celui non moins équivoque des contrebandiers.
Sur le plan des personnages, Meilhac et Halévy accentuent le caractère archétypal de Carmen en inventant Micaëla, une figure féminine qui est son exact opposé et avec laquelle elle entre en conflit.
Avec sa « jupe bleue » (couleur virginale) et ses « nattes tombantes » qui renvoient au monde de l’enfance et de l’innocence, souvent représentée en blonde (ne vient-elle pas du Nord, du Pays basque !), elle a une fonction angélique vis-à-vis de Don José. Elle est à la fois une messagère, une intermédiaire entre sa mère et lui, et un ange gardien essayant de le protéger de la chute. Dominique Maingueneau dans Carmen, les racines d’un mythe ajoute que ce prénom, qui n’est pas espagnol, « une fois replacé dans son contexte culturel chrétien, apparaît lourd de signification ». C’est le prénom au féminin d’un archange
.Carmen au contraire est un prénom espagnol. En latin le mot signifie à la fois paroles magiques/enchantement, poème, chant et prédiction, des sens qui correspondent aux capacités du personnage : envoûtement de Don José (« La fleur que tu m’avais jetée,/ Dans ma prison m’était restée/ Flétrie et sèche, mais gardant/ Son parfum terrible, enivrant. »), utilisation du chant comme moyen de séduction et des cartes pour prédire l’avenir.
Pour son physique, les indications scéniques des librettistes renvoient strictement à la description de Mérimée. Vêtue d’un « jupon rouge et court », tout, dans la description du romancier, depuis le poncif de la couleur rouge associé au feu de la passion, renvoie au corps dénudé et à l’allumeuse. À cela s’ajoute son statut de cigarière qui accentue son caractère déluré. Non seulement le cigare est un symbole phallique évident mais en plus les ouvrières sortent de la manufacture, la cigarette aux lèvres, ce qui était proprement scandaleux dans la France du XIXe siècle. Que l’on songe à George Sand !
Peau sombre aux cheveux noirs, danseuse de séguedille et buveuse de manzanilla, elle est le contraire de l’angélique Micaëla. « Tu es le diable », lui dit Don José.
Avec l’image du diable s’installe l’idée du mal. Carmen pousse Don José à déserter l’armée. Le basculement du soldat dans l’autre camp, celui des hors-la-loi, renvoie au conflit ordre/désordre qui structure l’opéra, mais aussi à une trahison et une transgression qui devaient faire mouche dans la France d’après la défaite de 1870.
La tension entre deux mondes – l’un brillant et festif, l’autre tragique – se retrouve sur le plan musical. L’expressivité de la musique de Bizet accentue la singularité des personnages : par exemple lorsque Carmen fait irruption sur la scène, c’est pour interpréter une habanera. Elle est donc d’emblée associée à l’exotisme ; en même temps les paroles, dans cette célèbre aria, disent l’impossibilité d’une relation amoureuse avec elle (« Si tu ne m’aimes pas, je t’aime/ Si je t’aime, prends garde à toi ») et annoncent l’issue tragique que le choeur des jeunes gens et des ouvrières ne fait qu’amplifier. Le directeur musical de l’Opéra de Paris, Philippe Jordan, souligne que dans Carmen « plutôt que de séparer nettement les dialogues et les airs, le compositeur recherche la continuité, un rapport du texte à la musique, somme toute, assez proche de ce que nous connaissons aujourd’hui au cinéma […] ; il est influencé par le Musikdrama wagnérien » (En Scène, Octobre 2012).
Tout, dans l’opéra, est centré sur le personnage de Carmen, tout est fait, dans cette mise en lumière, pour qu’il se révèle dans ses diverses dimensions. Alors que Mérimée avait installé une distance avec le lecteur par le biais du regard de l’archéologue qui raconte ce que lui a raconté Don José, dans l’opéra il n’y a aucune distance entre les personnages et le spectateur. Carmen existe avec sa voix, avec son corps, et le spectateur de 1875 a ce personnage sous les yeux sans l’intermédiaire d’un narrateur.
Ainsi, à la croisée des grandes figures féminines de la mythologie gréco-romaine, de la Bible et de l’histoire, Carmen par sa beauté, son charme ensorcelant, sa toute-puissance sur les hommes, ses amours libres, son côté diabolique et malfaisant, s’inscrit dans la tradition d’Aphrodite, de Circé, mais aussi de Lilith, d’Ève et de Judith, de Cléopâtre, de Lucrèce Borgia etc.
Le mythe favorisé par la vision romantique de l’Espagne
L’opéra de Bizet en a fait une figure mythique dans une Espagne de carton-pâte.
Car un autre facteur a contribué à la mythification de Carmen, c’est la vision romantique de l’Espagne.
Si la France du siècle des Lumières considérait l’Espagne comme retardée, anachronique, comme le pays de l’Inquisition, le romantisme renversa cette représentation. Le peuple espagnol était jugé fier, courageux et indomptable comme dans une certaine iconographie goyesque (Les fusillades du 3 mai 1808), lui qui avait vaincu Napoléon et son armée.
À partir de 1830, nombreux furent les écrivains français qui partirent à la découverte du pays et publièrent des carnets de voyage : Chateaubriand, Victor Hugo, Théophile Gauthier et tant d’autres…
Pour les Romantiques, l’Espagne était une terre de passion et d’authenticité. Face à l’ennui du monde moderne, elle représentait l’aventure, le risque, d’où l’exaltation de la figure du bandit, archétype de la vie marginale et de celle du Gitan, devenu lui aussi à la mode. C’est ainsi que dans le creuset de l’exotisme allaient se forger des stéréotypes tenaces. L’Espagne est souvent réduite à l’Andalousie, elle-même réduite à la tauromachie, la fête, l’amour et à des femmes ardentes et fougueuses. Théophile Gautier disait qu’à Grenade l’amour était la seule occupation (Voyage en Espagne) et Alfred de Musset dans son poème L’Andalouse écrivait « Avez-vous vu dans Barcelone/ Une Andalouse au sein bruni/ […] C’est ma maîtresse, ma lionne ».
Mais l’Espagne, pour les écrivains du XIXe représente aussi l’héritage oriental et l’orientalisme était à l’honneur dans la France du XIXe. Gautier ne voyait-il pas déjà l’influence des Maures à peine arrivé à Irun ! Compte tenu de cet intérêt pour l’Orient, Al-Andalus, et surtout Séville, allaient donc devenir des points de mire.
Meilhac et Halévy, puisant dans les stéréotypes divulgués par les voyageurs, accentuent la couleur locale, le côté typique de l’Andalousie et Bizet compose une musique dont les capacités expressives sont sensationnelles. Les références à l’Espagne sont surtout des espagnolades, c’est-à-dire une manière de la sentir et de la représenter complètement stéréotypée.
Dans ce panel, la tauromachie joue sans doute un rôle important.
Carmen délaisse Don José pour Escamillo, brillant toréador, dont elle sera la récompense s’il triomphe dans les arènes de Séville : « Toréador, en garde,/ et songe en combattant/ qu’un oeil noir te regarde/ et que l’amour t’attend », et aussitôt après, s’adressant à Carmen : « la première fois que je frapperai le taureau, ce sera ton nom que je prononcerai. » Mais ce combat, différé jusqu’au dernier acte, va se dérouler au second plan. Ce n’est pas celui que le spectateur a sous les yeux. Il voit Don José et Carmen s’affronter jusqu’à ce que celle-ci se retrouve dans la même situation que le taureau : mise à mort, tandis que du cirque monte une ovation « Gloire/ au torero vainqueur !/ Victoire ! victoire ! ». Le parallèle entre les deux scènes, concomitantes, fait entrer Carmen en relation avec le taureau. Il y a certes la couleur noire (de ses cheveux, de « l’oeil noir » qui n’appartient pas qu’au taureau…) mais aussi une sorte d’hyperpuissance (cf. la symbolique du taureau) qui les condamne tous les deux à mourir. Est-ce pour cela que certaines interprètes de Carmen ont eu parfois des tenues masculinisées ?
Carmen, figure de la femme libérée
En étant une femme qui, en plein XIXe, se pense comme un sujet libre et indépendant, n’apparaît-elle pas comme une figure ambivalente ? À Don José lui demandant «Tu ne m’aimes donc plus ? », Carmen déclare « Non, je ne t’aime plus », inversant ainsi les rôles, adoptant un comportement masculin, « comme un homme, qui reprend sa liberté d’une femme à l’autre, au lieu d’attendre, enfermée, qu’un homme assure pour elle la médiation avec le monde extérieur » (Dominique Maingueneau).
Mais en revendiquant sa liberté de désirer et d’aimer qui elle voulait, tout en sachant le prix à payer pour cela, elle devenait tellement transgressive que seule la mort pouvait rendre le personnage acceptable. La mort… mais aussi l’exotisme, celui de la Bohémienne et d’une histoire qui se passe au-delà des Pyrénées !
Et pourtant… ! Ludovic Halévy raconte, trente ans après la première représentation, les recommandations appuyées d’Adolphe de Leuven, alors directeur de l’Opéra Comique : « Carmen, la Carmen de Mérimée !… Est-ce qu’elle n’est pas assassinée par son amant ?… Et ce au milieu de voleurs, de bohémiens, de cigarières !… À l’Opéra Comique !… le théâtre des familles !… le théâtre des entrevues de mariage !… Nous avons tous les soirs cinq ou six loges louées pour ces entrevues !… Vous allez mettre notre public en fuite… c’est impossible !… […] Je vous en prie, tâchez de ne pas la faire mourir. La mort à l’Opéra Comique !… cela ne s’est jamais vu… » (La millième de Carmen, 1905).
Sa mort, Carmen la met en scène avec une certaine emphase en passant, pour parler d’elle, de la 1re personne à la troisième : « Jamais Carmen ne cèdera/ Libre elle est née et libre elle mourra». En même temps, en abandonnant la subjectivité du « je » dans l’énonciation, elle engage son propre personnage dans un processus de mythification : le mythe d’une femme tenant entre ses mains la liberté de choisir son destin. En quelque sorte l’héroïne participe à sa propre mythification.
Plusieurs lectures de cette oeuvre
Carmen est une figure mythique qui génère plusieurs niveaux de lecture selon les moeurs et les codes sociaux en vigueur. Pour les Romantiques, elle a représenté la passion, l’authenticité d’une femme marginale transgressant les codes sociaux.
Pour ses détracteurs, elle n’était qu’une « Messaline de bas étage, [causant] des nausées et des hauts le coeur » (L’Union, 8 mars 1875), ou encore une « virago à la toilette sale et aux chants obscènes s’offrant au premier venu sans vergogne » (Revue et Gazette musicale de Paris, 7 mars 1875).
Pour le public parisien bourgeois de l’Opéra Comique, qui avait applaudi les deux premiers actes mais que les deux derniers avaient plongé dans un grand désarroi, Carmen était une indécence. Quatre ans après la Commune, mettre en scène le bas peuple et des marginaux – fussent-ils espagnols –, leur donner une voix à eux ainsi qu’à une femme insoumise, désirable et surtout désirante, ne pouvait que faire scandale. « Les personnages qu’il [Bizet] met en scène ne sont pas proches des spectateurs de l’époque. Ils sont issus de milieux défavorisés – bohémiens, ouvrières, bandits de grand chemin… Il fallait oser donner la parole à ces populations d’ordinaire exclues des scènes d’opéra » (Philippe Jordan). Il fallut attendre huit ans pour que l’opéra revienne et s’impose dans la salle Favart – après qu’il eut fait le tour du monde – et 1959 pour qu’il entre au répertoire !
Dans une lecture féministe plus contemporaine, Carmen apparaît comme la victime d’un univers masculin, une femme littéralement insupportable aux hommes, d’où sa nécessaire élimination.
Une autre lecture de l’oeuvre est également possible : Carmen comme un palimpseste des fantasmes et aspirations de la société française du XIXe, corsetée dans ses interdits.
Le succès de Carmen
En construisant différentes explications, lecteurs, spectateurs, gens de théâtre et de cinéma ont contribué à faire de Carmen une figure mythique mais cette mythification n’a été possible que par le truchement de l’opéra. Carmen est un mythe français, moderne, créé par l’opéra, ayant aussi, hors de l’hexagone, une formidable vitalité.
Outre le nombre de mises en scène pour l’opéra, Carmen a été chorégraphiée plusieurs fois, entre autres par Roland Petit puis par Antonio Gades .
Peter Brook en a fait une adaptation pour le théâtre sous le titre : La tragédie de Carmen (1984).
La filmographie est impressionnante puisqu’il y a plus d’une quinzaine d’adaptations au cinéma parmi lesquelles Burlesque on Carmen de et avec Charlie Chaplin (1915), Carmen, film muet d’Ernst Lubitsch (1918), Prénom Carmen de Jean-Luc Godard (1983), le film-opéra de Francesco Rosi (1984) avec Julia Migenes, Carmen de Carlos Saura (1983) qui a filmé le ballet de Gades, Carmen de Franco Zeffirelli (2003), et Carmen Jones d’Otto Preminger (1954), une comédie musicale dont l’action se passe dans le Sud des États-Unis et dont tous les acteurs sont des Noirs américains, ou encore U-Carmen eKhayelitsha, film sud-africain de Mark Dornford- May (2005) chanté en xhosa et se déroulant dans un township près du Cap. Ces deux dernières adaptations sont intéressantes parce que « déshispanisées », mais le point commun avec l’héroïne de l’opéra reste alors l’appartenance des protagonistes à une minorité.
En jouant sur plusieurs registres, en donnant lieu à différentes lectures, Carmen interroge des catégories universelles : le désir et la Loi, le fatum et la liberté, l’amour et la mort mais aussi les rapports homme/ femme, la sexualité féminine…
Et c’est également cela qui en fait « une histoire vraie », loin du mouvement vériste de la fin du XIXe qui toucha l’opéra !
Une histoire dont on pouvait entendre le récit en famille, dans la France rurale des années soixante, où l’opéra était alors un genre populaire. Carmen était racontée au présent, une sorte de présent d’éternité, rendant l’héroïne à la fois proche, incarnée, faisant partie de l’histoire commune, mais mystérieuse et fascinante, avec la distance que lui donnait aussi le mythe.
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