Les cloches sont présentes partout, et nous n’y prêtons pas assez d’attention : elles sont en fait des instruments de musique absolument merveilleux.
Bien sûr, toutes les cloches ne sont pas bonnes, mais une belle cloche, c’est magnifique. Cela dépend de beaucoup de facteurs, de la justesse des harmoniques, de la pureté de la vibration et donc de l’alliage utilisé, de la perfection de la forme etc.
Ensuite, il y a la manière dont la cloche est sollicitée. Une cloche immobile simplement frappée par un marteau rend un son plat, mais dès qu’elle est sonnée à la volée, tout change. D’abord parce que le mouvement même de la cloche fait que le son qu’elle émet va se propager et rouler d’une manière vivante, ensuite parce que la cloche est en vibration, et que le battant qui la heurte va arriver au hasard sur ce mouvement déjà existant, il pourra alors frapper soit en phase soit en opposition, et le son d’attaque sera tout différent. Ainsi, chaque coup du battant rendra un son différent, doux, dur, présent ou moins.
La complexité augmente quand on sonne à la volée plusieurs cloches ensemble parce que les rythmes de chacune vont se superposer d’une façon très variée créant des mélodies et des rythmes sans cesse renouvelés. C’est ce que la musique contemporaine prétend avoir inventé avec la musique « phasique » et la musique « minimaliste » qui cherche avec peu de moyen à faire simplement du beau loin de toute idée descriptive ou sentimentale.
Et puis une sonnerie de cloche a un début et une fin. La manière de lancer les cloches, les moments où elles interviennent, crée au départ un crescendo savamment orchestré par le sonneur, suit un apogée quand toutes les cloches sonnent ensemble en pleine volée ; la fin est aussi une merveille avec le retour au calme, les cloches qui s’affaiblissent, s’éteignent les unes après les autres, certaines, donnant encore quelques coups plus forts avant de s’éteindre.
Tout l’intérêt d’un ensemble de cloches réside aussi dans leur harmonisation, c’est-à-dire les notes qu’elles rendent. À une époque on a cherché les accords parfaits ce qui n’a aucun intérêt : il faut qu’il y ait des harmonies mais aussi des frottements harmoniques, des dissonances, des mélodies. Dans ce domaine, les sonneries les plus anciennes sont souvent les plus osées avec même des intervalles de demi-ton.
Une belle sonnerie de plenum mettant en jeu de jolies cloches apparaissant successivement, dialoguant, créant une mélodie qui s’invente progressivement, puis laissant apparaître tout en dessous le son grave du bourdon qui, plus lourd, met plus longtemps à se lancer, celui-ci devenant de plus en plus présent jusqu’à couvrir tout par un « hum » obsédant, produit un effet considérable. C’est beau, prenant comme une fugue de Bach.
Quant aux cloches frappées (immobiles), elles ne font pas que sonner les heures, on les trouve dans des sonneries particulières, comme le glas ou le tocsin. Si le glas, sonnerie mortuaire, rend un son si lugubre, c’est que justement la cloche frappée immobile, rend un son plat, régulier, comme mort. Et la subtilité d’une belle sonnerie mortuaire est de mêler la cloche de glas frappée, avec d’autres cloches en volée. On a ainsi la vie qui se mêle à la mort, et la plus belle musique qui soit.
Mais peut être que le summum de la beauté est une simple petite cloche de monastère qui sonne seule à la volée (si elle est belle), c’est une musique pure et angélique.
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