La différence peut être difficile à vivre. Elle est également une richesse, et bien des histoires de la Bible nous le rappellent. Il y a là une source de réflexion sur l’attitude que nous pouvons avoir vis-à-vis de l’homosexualité.
La manière dont la religion chrétienne évoque le plus souvent les personnes gays, lesbiennes, bi ou trans-genres (LGBT) est symptomatique de la manière dont elle gère en son sein la question de la différence. Des enjeux essentiels pour elle sont donc en présence ici.
La gestion de la différence a toujours été délicate dans les sociétés humaines et notamment dans les institutions. Lorsque l’identité du groupe se définit en contraste avec celles et ceux qui n’en font pas partie et qui sont perçus comme menaçants, il est inévitable que les personnes qui n’entrent pas dans la série de cadres constituant l’identité soient incomprises et ainsi mises à l’écart. De même, en matière de religion, un certain savoir « révélé » induit un certain pouvoir revendiqué, et par conséquent un savoir balisant l’identité, souvent pensé comme exclusif.
La Bible témoigne des questions qui se jouent à ce niveau. Si nous prenons les textes qui reflètent l’exil du peuple hébreu à Babylone, le livre du Lévitique propose, par exemple, une législation qui qualifie le pur et l’impur de manière très précise et exclusive, signe d’une identité fragilisée ayant besoin de se recentrer sur des pratiques qui marquent l’appartenance à un peuple commun. Les pratiques environnantes sont refusées et le lien se joue de manière visible.
Toutefois, de même que la Bible défend l’idée d’un Dieu insaisissable, mystérieux et caché qui échappe à toute mainmise humaine, elle témoigne d’une lutte contre la prétention à connaître l’autre, et par là, à le juger, à le rejeter. Il s’agit d’une lutte pour faire place de manière authentique aux personnes dans l’étonnement de l’altérité en arguant que tous nous sommes différents ; une lutte pour s’ouvrir à une découverte et un amour de l’autre.
Si on lit l’histoire de Sodome en Genèse 19, que dire de ce peuple qui, tout entier, refuse l’accueil et cherche à faire violence à l’étranger (celui qui leur est étrange) ? Nous redécouvrons ce risque au sein de nos propres communautés tout en connaissant la mise en garde du texte : la destruction ne vient pas de l’accueil de l’autre, mais de son refus.
Si on examine les multiples miracles de Jésus sur les routes de Galilée, que dire de cet homme qui va au-delà des règles de pureté pour vivre la rencontre avec celui ou celle qui était mis à l’écart et jugé comme pécheur ? Sa parole de guérison a d’ailleurs toujours été lovée dans le pardon plutôt que dans l’accusation. Sauf quand il s’en prenait aux juges eux-mêmes, pharisiens que chacune et chacun risque toujours de redevenir, et qui ont besoin de guérir leur propre regard.
Si on examine ce que dit Paul dans Romains 1-2, que dire de cet homme qui n’hésite pas à utiliser les listes de péchés en cours à son époque pour montrer que tous les humains sont pécheurs et que tous ont besoin du pardon de Dieu ? Il s’agit, là encore, de lutter contre les prétentions de mainmise humaine et contre les jugements hâtifs pour, dans un retournement hardi, faire découvrir aux croyants que tous sont dans la même position face à Dieu, et que tous sont au bénéfice de sa grâce.
Les textes qui sont donc utilisés le plus couramment pour stigmatiser les personnes LGBT sont en fait aussi – et sans doute d’abord ! – des textes qui luttent contre la prétention humaine si prompte à classer et juger, à savoir et condamner. Or, la Bible, si elle porte en creux la révélation de Dieu, met dans le même temps en garde contre ces formes de discrimination liées aux « savoirs ».
Pourrons-nous à notre tour écouter cette interpellation et oser un accueil plus large et généreux envers les personnes LGBT ? Oserons-nous lutter contre la souffrance et le manque d’amour que nos postures croyantes alimentent trop souvent ?
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