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« On » et la part du pauvre…

  C’est vrai, et je l’ai souvent répété à mes enfants : on ne dit pas « on » à la place de « nous » ! D’autant que c’est moche, en plus d’être incorrect… Je ne sais pas pourquoi mais ça ne sonne pas bien, surtout quand le langage qui accompagne ce « on » dégrade la langue française. Mais alors pourquoi, de génération en génération, répète-t-on cette évidente faute de français ? Pour simplifier la langue ? Je ne vois pas en quoi…

  Il me vient une idée… « On » est indéfini, c’està- dire qu’il désigne une généralité. D’ailleurs les proverbes l’utilisent abondamment. Autrement dit, il peut évoquer l’humanité tout entière ou bien l’inconnu, l’autre. Il peut désigner une foule ou un individu isolé. On ne le sait parfois même pas… À l’inverse, « nous » est précis : il désigne le groupe auquel j’appartiens, avec ses frontières, ses limites. Celui qui prononce le « nous » connaît sa propre identité et celle de ceux qui sont « inclus » dans son « nous ». Dans le « nous », il n’y a pas d’inconnu ! Cette précision a du bon : s’il faut prendre des billets de train, autant savoir combien « nous » sommes. Les contrôleurs non plus n’incluent pas l’inconnu…

  Et si le « on » n’était pas une faute de français… S’il était une manière d’ouvrir le groupe à un autre, un inconnu, ou aux autres, à l’humanité. En posant une limite, le « nous » exclut ; en refusant la limite, le « on » nous ouvre aux autres. D’ailleurs, si l’on décrypte les discours politiques, ceux qui invoquent la « patrie en danger » usent et abusent du « nous », afin de bien limiter « notre » identité et ne laisser personne y apporter du nouveau ou de l’étrangeté…

  Je me souviens que, lorsque j’étais enfant, on me parlait toujours de la « place du pauvre », que l’on réserve à l’inconnu de passage notamment lors des repas de Noël. Le geste était évidemment symbolique puisque « nous » sommes toujours restés « entre nous » à Noël. Mais ce symbole est chargé de sens, et même d’Évangile : le « nous » doit toujours s’ouvrir sur un « on », porte ouverte vers l’humain.

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À propos Jean-Marie de Bourqueney

est pasteur de l’Église protestante unie. Il est actuellement à Paris-Batignolles. Il est notamment intéressé par le dialogue interreligieux et par la théologie du Process.

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