La famille pouvait être antérieurement définie comme un ensemble de personnes vivant sous le même toit, ou encore comme espace légal de transmission des biens ou comme le rassemblement de ceux qui sont liés par des liens de sang.
La réalité sociale du divorce, des recompositions familiales, des familles monoparentales, homoparentales nous contraint à d’autres approches.
Une réalité sociologique est à prendre en compte. Plus d’un couple marié sur deux aujourd’hui à Paris divorce. Le titre d’un film était à ce sujet évocateur : « Chic mes parents divorcent ! ». La séparation et la recomposition familiale se banalisent. Le divorce est considéré comme une bonne nouvelle, à l’image d’un départ en vacances ! Nous connaissons le mot d’enfant interrogeant ses parents : « Papa, maman, pourquoi vous ne divorcez pas ? » Comme si l’enfant se sentait hors norme lorsqu’il continue à vivre avec ses deux parents biologiques.
Pour autant, la majorité des enfants continuent à vivre au sein de leur famille d’origine. L’impermanence suscite plus d’anxiétés et de contraintes d’adaptation, pour les enfants comme pour les parents, que la permanence qui par nature est moins sujette à changements et controverses.
Cette réalité de l’impermanence s’étend au-delà de la famille et affecte différents domaines du quotidien : le champ professionnel confronté à la nécessité d’une mobilité géographique et de changements de métier ; l’impermanence touche aussi nos frontières intellectuelles et politiques, nous confrontant au quotidien à une autre monnaie, à une identité nationale changeante et des croyances remises en cause dans leurs fondements.
La famille recomposée a toujours existé suite au décès d’un membre parent par maladie, à la disparition de l’homme à la guerre ou encore aux décès en couches pour les femmes. La famille recomposée a toujours existé, même si elle n’était pas nommée comme telle, ni choisie par aucun de ses membres. Les historiens de la famille estiment à 10 % les familles qui étaient recomposées. Le pourcentage est sensiblement le même aujourd’hui. Au point que nous nous interrogeons sur cet invariant, comme une sorte d’élément constitutif de la société.
Les causes actuelles de la recomposition familiale et donc ses fondements sont radicalement différents. Hier, il y avait contrainte due au décès de l’un des deux parents, suivie souvent d’une obligation de recomposition pour subvenir aux besoins matériels ou éducatifs des enfants. Aujourd’hui la recomposition est un choix qui suit un autre choix délibéré, au moins pour un des parents : celui de la séparation ou du divorce. Une statistique en témoigne : une femme sur cinq et un homme sur trois ont rompu leur première union, toutes générations confondues.
La famille recomposée est qualifiée comme telle par la sociologue Sylvie Cadolle seulement depuis 1987. Jusque-là elle n’était pas désignée, sauf par le biais du parent qui « refaisait sa vie », ou se remariait. La prise en compte de la recomposition familiale, incluant donc les enfants, reste un phénomène récent.
Trois enfants de moins de 25 ans sur dix vivent dans une famille qui n’est pas composée d’un couple et de ses enfants. Ils peuvent donc vivre dans une famille monoparentale ou dans une famille recomposée, mais ils ne sont pas avec leurs deux parents biologiques.
Plus d’un million et demi d’enfants sont concernés en France par les recompositions familiales dont les deux tiers cohabitent avec un demi-frère ou une demi-sœur.
Toutes ces nouvelles situations, vécues par les enfants et les adultes, obligent à ajuster ces relations à la réalité du quotidien.
Familles monoparentales, recomposées, homoparentales, mais aussi les procréations assistées ou les familles adoptives interpellent les liens familiaux. Tout, dans ces systèmes familiaux, est objet de négociation. Ces nouvelles familles sont contraintes de se poser des questions sur le fonctionnement familial, ce que les familles d’origine peuvent passer sous silence car ces dernières s’appuient, certes souvent de façon illusoire, sur les liens inaliénables du sang et sur des fondements extérieurs de la morale sociale. Rien n’est évident ni inaliénable dans les nouvelles compositions familiales. La fragilité du système entraîne plus d’ouvertures et d’interrogations sur la vie familiale et sur le monde. De ce fait les nouvelles configurations familiales nous obligent à réinterroger ce qui constitue la famille aujourd’hui.
La réponse peut paraître simple : au moins des parents et un enfant !
L’affaire est plus complexe : un, ou deux parents ? Séparés ou sous le même toit. Des parents biologiques, adoptants ? Si un des parents est absent et qu’un autre adulte, sans lien de sang avec les enfants est lui présent, ceux qui sont là ensemble, adultes et enfants, constituent-ils une famille ?
L’adulte présent sous le même toit, mais sans lien de filiation avec l’enfant peut-il être aussi considéré comme parent ? Avec quels droits et quels devoirs ?
Si deux adultes d’un même sexe vivent avec un enfant issu d’au moins un des deux adultes, constituent-ils aussi une famille ?
Un groupe d’adultes et d’enfants pourrait-il constituer une famille ? Sur quelles bases ?
Qu’est-ce qui est nécessaire pour que des parents ayant ou non des liens biologiques avec des enfants constituent une famille ? L’amour ? Mais si l’amour est absent entre parents et enfants ayant des liens biologiques ils ne constitueraient donc plus une famille ? Y a-t-il alors primauté des liens de cœur sur des liens de sang ?
La filiation biologique est-elle un constituant nécessaire pour qu’une famille existe ? La réponse aujourd’hui est clairement négative. Les nouvelles configurations familiales nous obligent à reconnaître que notre vision de la famille comme regroupement de personnes reliées par des liens de filiation est aujourd’hui caduque.
Alors qu’est-ce qui « fait famille » ?
Notre travail clinique de psychothérapeutes de la famille et du couple nous conduit à différentes observations et convictions.
Nous considérons la famille comme un système, c’est-à-dire comme un ensemble d’éléments constitué par chacun des membres qui interagissent entre eux.
Nous posons un certain nombre d’hypothèses : afin que ce système familial fonctionne de façon fluide, il a besoin pour se développer de se constituer autour d’une hiérarchie reconnue, avec des fonctions distinctes et des frontières clairement marquées. Ce système s’inscrit dans des lignées transgénérationnelles.
Lorsque aujourd’hui nous recevons des appels pour des jeunes enfants ou des adolescents qui sont en difficulté, nous demandons d’abord à rencontrer la famille. C’est-à-dire toutes les personnes vivant sous le même toit. Le travail avec la famille permet alors d’observer que la souffrance ou les perturbations observées chez l’enfant sont le symptôme d’une perturbation familiale. Le symptôme n’est pas le problème, mais le révélateur d’un dysfonctionnement du système familial. La difficulté est de dégager la personne (souvent l’enfant) porteur du mal-être, d’une responsabilité ou culpabilité qui ne lui incombe pas. Le travail consiste alors à observer et travailler, avec la famille présente, soit sur la hiérarchie, soit sur l’exercice des fonctions, sur le (non-)respect des frontières ou la place (ou l’absence de place) du trans-générationnel au sein de la famille en consultation.
Notre position thérapeutique n’est pas de nous intéresser à ce qui se dit ou au contenu du symptôme, mais aux personnes dans les interactions qu’elles développent au sein du système en présence. Nous allons développer quatre axes, qui, à nos yeux, permettent d’ouvrir le débat actuel autour des nouvelles configurations familiales et de sortir d’une conception, certes légitime mais aujourd’hui insuffisante, de la famille comme lieu de transmission ou fondée sur les liens de sang.
Nous entendons par hiérarchie, non pas la mise en place de liens de pouvoir, mais la reconnaissance de places générationnelles au sein du système familial.
Cette hiérarchie permet de structurer les relations et mettre en évidence les droits et les devoirs de chacun.
Lorsque dans une famille la mère, par exemple, va traverser une période dépressive, elle va laisser sa place vacante qu’un des enfants s’octroiera par mission. Celui-ci, dans une forme de parentification, prendra une place hiérarchique parentale, alors que la mère occupera, temporairement sans doute, une place d’enfant.
Il peut arriver qu’une grand-mère prenne la place d’une mère ou d’un père, palliant ainsi l’absence ou la supposée incapacité de son propre enfant dans ses responsabilités parentales. Ce grand-parent se positionne alors dans une autre ligne générationnelle se trouvant à donner des ordres ou partageant des moments d’intimité, comme un parent, avec ses propres petits-enfants. Il confond ainsi symboliquement dans une même ligne générationnelle son enfant et ses petits-enfants. De ce fait il s’effectue un glissement de ligne générationnelle. La grand- mère paternelle par exemple peut se retrouver sur la même ligne que sa belle-fille en laissant son fils dans un statut d’enfant, ce qui permet au grand-parent de ne pas glisser dans sa propre ligne générationnelle.
L’absence de hiérarchie, c’est ce que nous vante la publicité en exposant une mère et une fille maquillées et habillées de façon identique, effaçant ainsi la différence de générations.
C’est encore la mère qui va s’épancher auprès de sa fille et lui confier ses déboires conjugaux ; c’est aussi le père qui va sortir en boîte avec son fils partageant les espaces de loisirs ou d’intimité et parfois même les copines !
Ce qui va, entre autres, « faire famille », c’est la présence nommée et établie de places hiérarchiques au sein du système. Une famille dont la hiérarchie est perturbée peut engendrer des dysfonctionnements.
L’organisation des fonctions est fortement liée à l’organisation de la hiérarchie.
La hiérarchie oblige à regarder « qui est qui pour qui ? » Observer les fonctions au sein d’une famille, c’est se poser la question : « Qui fait quoi pour qui ? » Ce qui va faire famille, c’est la fonction que chacun va avoir pour l’autre et comment parents et enfants vont occuper leurs places.
Regarder les fonctions au sein d’une famille, c’est reconnaître que chaque membre du système a une place particulière. Cette place, d’où découle la fonction, donne une responsabilité spécifique : aussi bien celle d’assurer les comptes, de faire rire, d’être celui qui développe les conflits, ou d’être en retard. Ce qui fait famille, c’est que chaque élément du système est en interaction avec une fonction spécifique qui a des répercussions sur l’ensemble familial.
Dans les nouvelles configurations familiales, nous pouvons être attentifs à la manière dont un beau-père, une belle-mère, un parent avec son beau-fils vont chacun exercer une fonction parentale et comment ils vont ou pas être reconnus dans cette fonction.
Comment et par qui la fonction parentale sera-t-elle partagée ? Est-ce que la belle-fille va accepter l’autorité de son beau-père ? Comment la mère va-t-elle partager sa fonction de parent avec son nouveau compagnon ? Va-t-elle imposer à son nouveau partenaire une place identique à celle d’un enfant ? L’enfant va-t-il, face à sa mère par exemple, prendre la place laissée vacante par son père ? Le lien de sang à lui seul ne fait pas fonction. La place hiérarchique et la manière dont la fonction parentale est exercée vont permettre de sentir au sein de la famille si la fonction parentale est remplie et reconnue par les enfants et l’autre conjoint.
Pour aller plus loin, deux adultes qui ne sont pas ensemble parents génétiques (par procréation assistée, par adoption simple ou entière ou par remariage) exercent pour autant une fonction parentale sur les enfants présents à condition qu’ils soient à une place et une fonction hiérarchique clairement reconnues.
Nous pouvons aussi imaginer la situation de deux personnes du même sexe ayant décidé de vivre sous un même toit avec des enfants. Parce qu’elles sont à une place hiérarchique et des fonctions parentales clairement reconnues par les enfants et l’entourage, elles constituent une famille avec les enfants présents. Dans une perspective systémique de la famille les personnes ne sont pas définies par leur identité sexuelle, mais par leur fonction et leur hiérarchie au sein du système familial.
R. Neuburger, psychiâtre et thérapeute de couple, a particulièrement développé cette notion en précisant que l’enfant, pour se développer, a besoin de préserver au moins trois territoires de l’intime : celui de son espace matériel et physique, celui de son corps et de sa sexualité, celui de sa pensée et de ses émotions.
Ces trois territoires de l’intime sont actifs et constitutifs de la famille. Un non-respect des frontières qui ferait intrusion dans le territoire de chacun peut entraîner de graves distorsions dans les interactions familiales. Le cœur de notre identité et notre sens de l’altérité se constituent dans ces territoires de l’intime.
Ne pas respecter l’individualité de chacun, regarder le carnet intime de son enfant, chercher le code secret du disque dur de son partenaire ou de ses enfants, interchanger fréquemment les chambres des enfants, trop insister pour imposer une idée, un choix politique ou spirituel peuvent être autant d’atteintes à l’intimité de chacun. Les situations extrêmes de l’inceste et des violences physiques sont dans cette perspective une négation des frontières et une perturbation inadmissible des fonctions et des hiérarchies.
Chaque famille, par ailleurs, élaborera les frontières qui répondent à ses choix de valeurs. Chacun saura ou pas les faire respecter avec plus ou moins de rigidité ou de flou, et c’est parfois ce qui fera problème au sein d’une famille.
Alors que le symptôme de l’enfant (mauvais résultats scolaires ou violences de l’enfant par exemple) attirera le regard des parents et du thérapeute, le problème pourra être celui du non-respect des frontières au sein d’une famille. L’essentiel est de reconnaître que ce qui fait famille c’est l’existence et le maintien des frontières, c’est-à-dire des territoires de l’intime où chacun peut évoluer dans le respect des hiérarchies et des fonctions.
Les nouvelles configurations familiales démultiplient les problématiques liées aux frontières : entre quasi-frères et sœurs par exemple qui ne sont pas obligés de s’aimer ; avec la belle-mère qui n’est pas la copine des filles du père ; avec le parent séparé pour lequel l’enfant pourrait être utilisé pour recueillir des informations sur sa nouvelle relation amoureuse ; ou le nouveau couple parental dont la relation amoureuse, par naïveté et enthousiasme, pourrait trop s’étaler devant enfants et beaux-enfants, etc.
Pour reprendre les écrits de la sociologue Sylvie Cadolle, la famille développe, de façon concomitante, la dimension relationnelle et la dimension généalogique. Il y a une naïveté couramment répandue au sein des familles qui consiste à croire qu’il n’y a pas d’interférences entre les générations précédentes et les générations actuelles. Schématiquement, nous pouvons décrypter deux modes réactionnels face à l’histoire familiale : un mode de réparation et un mode de répétition. Dans sa construction l’enfant s’organise en fonction de ce qu’il perçoit ou de ce qu’il a entendu dire de ses parents et de tous ses ascendants. Même sans les connaître, l’enfant (et l’adulte que nous sommes), est influencé dans sa vie par les messages qu’il a reçus tels que : « Tu ressembles bien à l’oncle Paul » (que l’enfant n’a peut être jamais connu) ou bien : « Chez nous, on est tous des littéraires !» Ces évidences vont participer à la construction identitaire de l’enfant.
Les enfants adoptés sont souvent dans une quête impérieuse de contacter leurs origines. Il y a une violence réelle pour un enfant à être coupé d’une part de son histoire comme c’est le cas dans certaines familles monoparentales lorsque la place du père et de sa famille est niée.
Inversement, les enfants des nouvelles configurations familiales font l’expérience d’acquérir une autre ligne trans-générationnelle par des quasi grands-parents, oncles et frères et sœurs qui viennent enrichir son patrimoine initial. L’impact de cette nouvelle ligne trans-générationnelle sera proportionnel à l’investissement affectif tissé entre l’enfant et cette famille d’élection affective, qui n’est pas celle de son origine. Une fois de plus, nous sommes face au vieux débat de l’inné et de l’acquis dans lequel il nous paraît injuste d’affirmer un parti pris en faveur de l’un ou de l’autre, alors que l’enfant des nouvelles configurations familiales se construit et avec son inné (ses liens de sang), et avec son acquis (ses liens d’élection affective).
Ces quatre axes – hiérarchies, fonctions, frontières et transgénérationnels – sont à nos yeux opératoires pour repérer ce qui fait famille, qu’elle soit initiale ou dans une nouvelle configuration. Si, dans les familles d’origine, tout semble aller de soi (ce qui est loin d’être le cas), c’est la force et l’apport des nouvelles configurations familiales de nous contraindre à nommer et préciser sans cesse la qualité et le sens des liens qui constituent et animent la vie familiale.
De notre point de vue, les familles monoparentales, homoparentales ou recomposées sont fonctionnelles et légitimes en tant que famille à partir du moment où l’enfant et le système familial évoluent dans un cadre où les frontières, la hiérarchie et les fonctions sont clairement nommées et où le trans-générationnel, d’origine et par alliance, est explicitement reconnu.
L’ethnologue, Agnès Martial décompose la parentalité en cinq éléments : mettre au monde, nourrir (subvenir aux besoins de l’enfant), éduquer, donner une identité à la naissance et enfin garantir l’accès de l’enfant au statut d’adulte.
Habituellement, ces cinq fonctions sont appliquées dans une famille initiale. Par contre, les nouvelles configurations familiales bousculent ces fonctions qui ne sont plus assurées par les mêmes personnes : qui assure la fonction parentale ? Celui qui a donné naissance, mais qui n’est peut-être pas celui qui éduque l’enfant ? Celui qui adopte et reconnaît l’enfant comme son fils ou sa fille, mais qui ne lui a pas donné naissance ? Le beau-père ou la belle-mère qui nourrit et paie pour son beau-fils ou belle-fille et le conduit à l’âge adulte, mais qui n’a donné ni naissance, ni un nom à l’enfant ?
Aucune réponse définitive n’est possible. Nous ne pouvons qu’observer et reconnaître que la fonction parentale s’est démultipliée, et que nous évoluons aujourd’hui vers une pluri-parentalité : plusieurs adultes qui partagent et assurent ensemble ou séparément des fonctions parentales différentes. (Il y a le parent « de naissance » et celui qui a élevé l’enfant). Un enfant peut avoir plusieurs adultes qui vont tous assurer une fonction parentale, à une place hiérarchique explicitement reconnue. Il est possible que ni son père, ni sa mère de naissance, ni même sa « vraie » grand-mère, n’auront dans sa carte affective une place première, par rapport à son beau-père, la nouvelle compagne de son père, ou sa nouvelle belle grand-mère. L’enfant va avoir dans les nouvelles configurations familiales des quasi ou demi-frères et sœurs qui vont habiter dans d’autres lieux. Il va reconnaître dans sa famille d’autres parents que ses parents d’origine qui, pour autant, assurent et partagent en co-parentalité une responsabilité à son égard.
Qu’importe cette démultiplication des adultes considérés comme parents, si nous acceptons d’entrer dans ces nouvelles configurations où les liens du cœur, consécutifs aux nouveaux choix amoureux des parents de naissance, peuvent rivaliser, sans les effacer, avec les liens du sang. L’actualité de la réalité familiale nous oblige à dépasser notre regard sur la famille comme étant seulement le rassemblement de frères et sœurs issus de mêmes parents.
On pourra s’inquiéter de la santé psychique de l’enfant en se demandant comment il s’y retrouve dans cette mosaïque familiale ? Il peut continuer à se construire et se développer lorsque tout ou presque est nommé des relations, des échecs amoureux des parents, des origines des naissances, ou des fonctions de chacun. L’enfant immergé dans une nouvelle configuration familiale va développer d’autres formes d’appartenance que celle, inaliénable, du lien du sang. Dans sa vie quotidienne, par les relations qu’il entretient avec ses co-parents, et au travers des processus d’identifications avec les adultes autres que ses parents ou sa famille d’origine, il agrandit ses champs d’investigations et de représentations.
Ces passages de déstructurations / restructurations – divorces, reconstitutions d’un couple, adoptions – sont souvent douloureux et complexes, pour les parents comme pour les enfants. La tentative de liberté, dont ils sont porteurs, nécessite de structurer la situation nouvelle qu’ils génèrent. Lorsque l’amour prédomine sur l’organisation des nouvelles configurations familiales, la parole est nécessaire pour consolider et parfois justifier les liens.
Il est vain de se lamenter sur la dilution d’une conception familiale en apparence solide et fiable. Les nouvelles configurations familiales sont un état de fait, une réalité quotidienne. Elles nous interpellent sur le sens de la famille, le thème de la transmission, les responsabilités parentales et leur nature, sur l’identité homme-femme et la sexualité. Ce sont les liens du cœur et la relation conjugale qui sont mis en avant. Nous ne sommes plus à l’époque de l’enfant roi où le couple devait rester ensemble pour préserver l’enfant. La situation actuelle permet de donner au couple conjugal une juste place, qu’il n’avait jamais eue.
Nous avons tous connu des parents qui ont su se sacrifier pour leurs enfants, et le leur rappeler, en ne se séparant pas, ou en refusant certains choix professionnels ou personnels. L’enfant et la famille, et parfois l’image sociale, faisaient autorité et nécessité. Il serait dommageable que les parents des nouvelles configurations familiales soient dans une perspective totalement inverse, où le seul intérêt de leurs choix amoureux et personnels dicterait leur avenir et celui de leurs enfants. Il y a une tension à soutenir entre le choix des adultes et l’engagement éducatif auprès des enfants. Les nouvelles configurations familiales sont les témoins de l’amour en marche avec ses choix audacieux et ses risques de faux-pas.
Il revient au législateur, mais aussi aux Églises, de savoir accueillir et accompagner – dans une réelle reconnaissance – ceux et celles, parents et co-parents, enfants et beaux-enfants, qui vivent cette réalité.
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