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Le pardon : exigences, ambiguïtés, accomplissement

Dans les quelques lignes qui suivent, je n’ai pas la prétention d’épuiser tous les problèmes existentiels que soulève le pardon. Mais je garderai en mémoire ce thème essentiel des Écritures, ce fil rouge qui les traverse, à savoir celui de la fidélité de Dieu et de l’infidélité de l’homme. Certes la Loi est une régulatrice du désir et l’homme l’enfreint tout au long de sa vie. Par ailleurs, l’homme et la femme gardent toujours un « fond » animal ; venus au monde entre « fèces et urine », selon un mot attribué à Saint Augustin, ils restent capables de pulsions, d’envies, de meurtres, de viols, de trahisons, de haine… Mais il reste toujours comme une lueur, qui peut s’apparenter à ce que Calvin appelait le Sensus divinitatis (le sens de la divinité), une trace du divin qui provoque le repentir.

  Enfin, tout le drame qui se joue entre l’offenseur et l’offensé ne peut se résoudre que dans le pardon. Celui-ci n’est pas chose aisée. L’offenseur qui demande pardon, peut être dans les larmes et de tout son être, espère que sa démarche sera acceptée, mais il arrive que cette espérance soit déçue ; l’offensé s’enferme voire se complaît dans une rumination de sa blessure narcissique.

  Il arrive aussi que la demande du pardon soit indépendante de la réponse de l’autre : « J’ai demandé pardon… après tout, qu’il ne soit pas accepté, tant pis ; j’ai fait le geste ; je suis libéré (?) ; je peux me regarder en face, etc. » Ainsi d’un coté il y a repliement sur soi, del’autre le règne de l’orgueil. Il n’y a pas de pardon sans la présence du repentir de l’offenseur, le repentir et non le remords. Le remords est mortifère. Il mord deux fois ; il mine les forces vives ; il est destructeur et conduit au suicide, ainsi Judas l’Iscariote. Le repentir, au contraire, invite à remonter la pente et invite à la conversion, ainsi la douloureuse histoire de l’apôtre Pierre et de ses reniements. Mais il y a plus, à savoir que le pardon a été accordé avant même que la demande soit exprimée.

  Le pardon est un acte libératoire sans prix ; il apporte la vie et la paix, la joie de vivre et une ouverture aux autres. Mais il arrive aussi qu’une fois le pardon accordé et le « baiser de paix » échangé, s’installe la suspicion et les questions affluent : « ai-je bien fait ? », « ne vais-je pas être trahi encore une fois ? », « que faitil ? » ou « que fait-elle ? », etc. Et voici que des sentiments pénibles envahissent le champ de conscience : on observe, on cherche des indices, des preuves… et la vie devient un enfer ; c’est le « délire de jalousie » repéré depuis longtemps par les psychiatres.

  Pour le chrétien, pour le croyant, le pardon n’a de valeur que par l’amour et dans l’amour de Dieu. La puissance opératoire des pardons du Christ lui vient de ce Dieu qu’il appelait son Père ; elle lui vient des souffrances endurées, infligées par les hommes tout au long de sa vie jusqu’aux supplices précédant sa mort. Ainsi lorsqu’on parle de l’amour de Dieu et de l’amour des hommes, il convient d’être extrêmement prudent :le terrain est miné. Youri Dombrovski l’a bien noté ; s’adressant à son interlocuteur à propos de la valeur du pardon, il lui propose l’exemple du Christ à vivre. « Et maintenant, écrit-il, demande-toi, aimes-tu les hommes comme avant ? Et si même alors, tu réponds : “oui, maintenant encore je les aime, je les aime tels qu’ils sont, je les aime malgré tout”, alors pardonne ! Car ton pardon sera chargé d’une si formidable puissance que quiconque croira qu’il peut être pardonné par toi, celui-là sera pardonné… »

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À propos Camille Jean Izard

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