Accueil / Journal / Gaston Frommel : un maître de la vie intérieure

Gaston Frommel : un maître de la vie intérieure

Alsacien de naissance, exilé en Suisse à la guerre de 1870, Frommel (1862-1906) a été professeur de théologie à Genève. À la suite de Vinet, il développe une philosophie de la liberté et du devoir.

Frommel est né en Alsace. Après la défaite de 1870, sa famille se réfugie en France puis s’installe en Suisse romande. Il fut un explorateur de la vie intérieure. Une phrase éclaire tout un destin : « Mon oeuvre, si j’en ai une, sera de restaurer quelques âmes profondes. » Pasteur, professeur de théologie à Genève, sa vie sera conforme à cette intuition. Attentif à la grâce, aux pièges du chemin resserré conduisant à la porte étroite qui ouvre sur la vraie vie, Frommel est précis dans son diagnostic comme pour la conduite à tenir en matière de cure d’âme. Dans la continuité de W. James, il pense que « derrière notre moi conscient, sousjacent à notre moi conscient, s’étend un moi plus vaste, à travers lequel nous arrive seul ce que nous appelons une expérience religieuse… ». Ce pressentiment de l’existence de quelque chose qui pourrait conduire à une relation vivante avec Dieu est à retenir. Mais l’accès à cette communion est barré ; l’obstacle est à la fois d’ordre naturel, psychologique et moral.

 Frommel insistera alors sur l’importance de la prière, sur le redressement de notre volonté pervertie. Il reste ainsi fidèle à une tradition qui remonte aux Pères de l’Église. Au début d’une étude sur la prière, il note qu’il va traiter de ses bases morales, de ses conditions psychologiques. « Ces dernières, trop généralement ignorées de la piété protestante, me paraissent dignes d’être traitées… car leur ignorance, en bien des cas, porte un préjudice sérieux à notre vie religieuse. » Ce jugement n’est-il pas toujours valable ?

 Frommel va droit au but ; ainsi, à l’une de ses correspondantes : « Vous n’aimez pas le devoir. Qui l’aime naturellement ? Personne… Il faut aimer le devoir d’amour. Comment ? En Jésus-Christ qui est le devoir lui même. En aimant Jésus-Christ, on aime le devoir. Il était un joug ; il devient une grâce, un privilège, une joie. Mais pour aimer Jésus-Christ, il faut pratiquer Jésus-Christ. Tout est là, cela vous manque encore. »

 Toute la dynamique de son action renvoie à la résolution d’une crise qu’il traversa encore bien jeune. En octobre 1895, ayant compris que ses étudiants sont trop préoccupés par des courants théologiques contradictoires, qui mettent leur foi en danger, il va se mettre à nu. Sa démarche est exceptionnelle : « C’est avec ma chair et mon sang, c’est en répandant devant vous mon âme tout entière que je voudrais vous convaincre… » Et ce n’est pas chez lui un exercice de style et encore moins une tentative de séduction. « Je vous parle comme théologien, je vous parle comme chrétien, comme ami et comme frère… » Il conclura : « J’ai achevé, Messieurs, ma confession… » On imagine la stupeur de l’auditoire. Mais qu’a dit Frommel ? « J’allais dans la vie suivant mes propres voies… j’entendais rester libre ; libre, voilà le mot qui résumait ma vie. J’admettais tout de l’Évangile pourvu que cela ne me conduisît à rien. » Puis lui viennent un vide existentiel, une solitude, un sentiment de dépersonnalisation, une angoisse métaphysique profonde : « Que suis-je ? Pourquoi ?… Pas de réponse… Je n’étais plus rien ni personne… la vision terrifiante du Néant universel m’accompagnait partout. » Il a expérimenté la proximité de la mort. Il dira : « La mort est la souveraine réalité de la vie. Celui qui n’en a pas fait l’expérience et n’en a pas triomphé, n’a pas encore vécu. »

 Frommel va décrire comment sa conscience le condamne : « L’absolue sainteté d’un Dieu que je connaissais à peine… éclatait dans ma conscience… C’est alors que je goûtais jusqu’à la lie l’horreur de ma perdition, que Dieu par sa grâce me fit faire l’expérience de son salut. » Ou encore, après avoir entendu un pasteur : sa parole « me jeta, brisé, vaincu aux pieds du Christ… simplement parce qu’il était Sauveur et que j’étais perdu ; je m’abandonnai moi-même et me donnai à lui ». On saisit ici la genèse du maître-mot de Frommel en matière de piété : abdication. *

Don

Pour faire un don, suivez ce lien

À propos Camille Jean Izard

Camille-Jean.Izard@evangile-et-liberte.net'

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

En savoir plus sur Évangile et Liberté

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading