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Avec ou sans ?

On a résumé les interrogations d’Elie Wiesel au sujet de Dieu par : « Auschwitz avec Dieu est incompréhensible ; sans Dieu, encore plus »

  ! Au delà du paradoxe de la formule qui accroche, qui séduit – « les aphorismes frappent par leur tendance au poème » (Nietzsche) –, ce qui est évoqué dépasse le spéculatif pour certainement rejoindre, au-delà du tragique, la révolte qui est aussi, avec l’humour et la tendresse, signe du vivant ! La formule peut être appliquée à chacune de nos vies et à chacune de nos morts. J’aurais envie de parler de la Croix mais par pudeur je me l’interdis.

  D’abord Auschwitz, un mal reconnu après coup. À moins d’être fondamentaliste naïf, dogmatiquement borné, ou négationniste, il nous est désormais impossible de décliner le concept de Dieu comme avant : Dieu bénit, Dieu conduit, Dieu écoute, Dieu protège ; ou pire : Dieu permet, Dieu teste, Dieu laisse !…

  « Il est clairement démontré que le créateur qui dans le monde temporel aurait fait massacrer, sans aucune pitié, tant d’hommes et de femmes, avec tous leurs enfants en bas âge, n’est pas le vrai créateur » (§52 du Liber de duobus princippiis, Livre cathare italien du XIIIe siècle découvert en 1939.)

  Il y a le fait incontournable, objectif, fort et fragile comme un réel proche et inassimilable. Et pourtant à l’heure du drame, de l’horreur ou de l’absurde, peut-être par inconscience, la victime n’a pas toujours totalement désespéré. C’est l’universitaire qui systématise le noir, ou le peintre (Soulages) ; c’est le théologien qui, dégouté, ferme sa Bible, c’est le téléspectateur qui doute (sans éteindre sa télévision). La radicalité ici conduit au nihilisme qui est un esprit dogmatique encore. Ceux qui sont morts ne sont pas morts, c’est nous qui sommes morts ! La Shékinah* pleure à Auschwitz dans une langue orientale et ses pleurs sont chantés. Il y a l’avant et l’après Auschwitz. Wilfred Monod évoquait « ceux qui parlent de Dieu avec une tasse de thé à la main » ! Et Roland de Pury « des pécheurs honnêtes et des pécheurs scandaleux ». Le scandale c’est que des bourreaux furent « honnêtes » !… Auschwitz est un basculement pour Rome, Genève, Tel Aviv, Istanbul et Moscou. Peut être aussi pour Wall Street. Toutes les injustices, spéculations ou oublis, depuis, portent en eux le goût, un peu, d’Auschwitz. Gaza pleure, 60 ans après Auschwitz ! Les crimes des sionistes, n’effaceront pas la Shoah qui ne leur apporte aucune excuse. Il y a les barrages orgueilleux, les regrets, les murs agressifs, et les petites imbécilités répétées : on se moque de ceux qui prient à Haïti, on minimise le Chambon-sur-Lignon ! Le Sans-Nom n’est-il pas toujours « avec », malgré tout, avant et après, comme une onde qui pleure, qui chante et qui avance ?

  • * Shékinah : terme féminin de la mystique juive hassidique pour désigner la présence, le repos de Dieu.

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À propos Michel Jas

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