« Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ ». Ces célèbres mots de l’apôtre Paul ont des accents révolutionnaires.
À travers la triade qu’il énumère, Paul nous décrit les principales catégories à travers lesquelles l’identité se définit au Ier siècle : l’ethnicité, le niveau de liberté mais surtout le genre. Si l’apôtre ressent le besoin de préciser qu’en dépit de ces catégories tous sont égaux et un en Christ, cela voudrait dire que ce n’était pas une évidence pour tout le monde. Car oui, les Galates évoluent dans un monde inégalitaire, où les puissants naissent puissants et les faibles restent faibles. Par conséquent, si les gens sont estimés selon leur statut en société, cela devrait en être de même dans le domaine spirituel, non ? Eh bien non, Paul l’affirme : ces catégories ne sont pas valides en Christ.
Là où Paul est encore plus subversif, c’est quand il affirme qu’il n’y a pas « le mâle et la femelle », comme il le dit littéralement. Il semble reprendre directement le récit créationnel dans Genèse 1,27 : « Mâle et femelle, il [Dieu] les créa ». Relativiser les différences liées au genre alors que ces dernières sont présentées comme étant créées et voulues par Dieu dès la création du monde est une véritable révolution : Paul serait-il un féministe qui s’ignore ?
Ne nous y trompons pas, l’apôtre Paul a quelques casseroles bien connues concernant les femmes : « Que vos femmes se taisent dans vos assemblées » (1 Corinthiens 14,34-35) par exemple. Même quand il se veut universaliste, il reste en définitive très androcentré avec un langage très masculinisé. Tout au long de ses épîtres s’observent une certaine conformité et même une justification de l’ordre établi dans la société. L’exemple le plus marquant est la première épître aux Corinthiens, où il soutient l’inégalité des genres à plusieurs reprises. Bref, pour Paul, il semblerait qu’il y ait encore des hommes et des femmes, finalement. Pourtant, c’est bien lui qui écrit que ces catégories ne sont pas valables devant le Christ. Mais alors, que se passe-t-il ?
Pour comprendre, il faut savoir que dans la logique paulinienne, la venue de Jésus-Christ a déclenché une ère nouvelle : sur le plan spirituel, les croyants sont tous fils de Dieu et égaux. Sur le plan temporel, ils sont encore dans la société inégalitaire qui est la leur. Ainsi, il y a une sorte de « déjà-pas encore » : les normes sociales sont relativisées spirituellement mais sans répercussion sur le rôle social de chacun dans le monde actuel. L’égalité la plus totale ne prendra pleinement place qu’après la Parousie, le retour de Jésus.
Je vous l’accorde, cela reste peu satisfaisant. En effet, on pourrait se demander : « comment se dire tous égaux en Christ mais en même temps cautionner qu’une femme ait moins de droits qu’un homme ? » Le « déjà-pas encore » entre le spirituel et le temporel n’a pas de limite clairement définie, ce qui laisserait une marge de manœuvre pour se positionner concrètement en faveur de l’égalité des genres.
Il serait tentant de faire le procès de Paul et pourtant, ses limites nous enseignent sur les nôtres : à chaque avancée que l’humain fait en question d’égalité, il recule d’un pas. Quand nous souhaitons parler au nom de tous, nous ne parlons souvent que pour nous-mêmes, pris par les intérêts de notre existence sociale. C’est pourquoi lorsque des hommes se réunissent pour écrire des textes sur le droit et l’égalité, comme la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la femme est négligée, à tel point qu’Olympe est obligée d’écrire sa « Déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne ».
Alors que nous reste-t-il à faire ? Si nous ne pouvons agir parfaitement, nous pouvons agir un peu mieux qu’autrefois. Galates 3,28, malgré les limites que lui met son auteur, exprime une vérité que nous pouvons utiliser comme moteur afin de rappeler la dignité de la femme au monde. Essayons de ne négliger personne cette fois-ci.
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