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Un Droit total et idéal

Le judaïsme rabbinique lit et travaille la Bible comme un texte de droit qui doit donner un maximum d’effets juridiques. Il s’agit même d’un droit total qui s’applique à l’intégralité de la vie religieuse et quotidienne. Parler de rituel, de repentance, ou de commerce c’est parler de droit rituel, des règles relatives à la repentance et de droit commercial. Mais c’est un droit distinct du droit moderne, qui ne se contente pas de séparer le permis et l’interdit et qui est maximaliste plutôt que minimaliste. Il distingue de nombreuses catégories : ce qui est encouragé, découragé, conseillé, déconseillé, tout ceci pouvant changer en fonction des circonstances précises.

Dans une grande mesure, c’est un droit créé au moment où de larges pans ne s’appliquent déjà plus. Il a aussi une fonction mémorielle et rédemptrice. Sa réussite et son développement doivent beaucoup à la crise religieuse causée par la destruction du Second Temple, et par ce que Guy Stroumsa a appelé la période de “la fin du sacrifice”. Tout ce qui concerne le service du Temple par exemple, ne s’applique déjà plus, lorsqu’il n’y a plus de souveraineté nationale. Il est réinventé par les textes et, notamment pour tout ce qui rentre dans le droit pénal, n’a jamais été appliqué tel quel. Si certains de ses traits peuvent séduire les théoriciens les plus postmodernes du droit (rejet de l’aveu de l’accusé), il faut retenir qu’il a été qualifié par Aaron Kirschenbaum de « droit idéal », au sens d’un droit très théorique. Il en va autrement du droit civil, qui a été vivant et l’est encore, particulièrement via les procédures d’arbitrage.

Il n’y a donc pas à proprement parler, dans cette tradition, de distinction entre théologie et droit – la distinction apparaît un peu au Moyen-Âge, souvent sous l’influence d’autres cultures. Les différences des approches du droit sont autant de différences théologiques. Mais les innovations juridiques ne sont jamais présentées comme telles ; au contraire, plus on est subversif, plus on doit chercher une origine indiscutable au point de doctrine proposé.

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À propos Noémie Issan-Benchimol

est diplômée en Philosophie et Études Hébraïques de l’ENS Ulm et prépare une thèse à l’EPHE sur le serment judiciaire en droit talmudique.

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