Fallait-il le démontrer ? L’histoire du christianisme n’est pas que le domaine réservé d’érudits perdus dans une montagne de livres poussiéreux, c’est aussi un vrai « lieu théologique », permettant de penser (et de repenser) notre compréhension de la foi, de Dieu ou du monde. C’est ce que montre le dossier que Patrick Andrist propose à notre lecture : faire de l’histoire amène à se poser des questions de nature théologique mais permet aussi de faire évoluer ses propres convictions. Ici, c’est de la diversité de la foi chrétienne qu’il est question, une diversité historique qui nous interroge sur ce que nous croyons et sur la façon d’incarner, toujours et à nouveau, l’Évangile dans notre présent et face à des hommes inlassablement différents. Mais on peut aussi s’interroger à partir de l’histoire sur les relations entre le christianisme et les autres grandes religions. C’est le cas du judaïsme, bien sûr, mais aussi de l’islam. Dans son dossier, Patrick Andrist fait du reste allusion au courant judéo-chrétien. S’il fut longtemps oublié, ce mouvement fut remis à l’honneur au début du XVIIIe siècle par ce grand libre-penseur protestant que fut John Toland. En 1718, Toland publiait son Nazarenus, un livre racontant la découverte de l’évangile (apocryphe) de Barnabée qu’il n’hésitait pas à considérer comme l’évangile des musulmans, celui que le Coran citait lorsqu’il y était question de Jésus. Pour lui, cela ne faisait aucun doute : cet évangile, utilisé par Mohammed dans le Coran, était aussi le témoin le plus fiable de ce qu’avait été le premier christianisme. Toland voyait en effet dans ce premier christianisme un mouvement de réforme du judaïsme et non l’origine d’une nouvelle religion destinée à supplanter celle dont il était issu. Or, notait Toland, jamais avare de critique, ce premier « judéo-christianisme » avait été progressivement transformé par une tradition chrétienne d’origine païenne, héritière de Paul, et s’était finalement retrouvé étouffé par des générations de prêtres « pagano-chrétiens ». Dès lors, le judéo-christianisme n’avait pu survivre que de manière souterraine, avant d’être ressuscité par l’islam. La religion de Mohammed était donc une version restaurée du christianisme primitif. Fantasme de libre-penseurs ! auront envie de dire ceux auxquels cette lecture pourrait déplaire. Ironie de l’histoire, il se trouve pourtant que c’est désormais l’une des pistes suivies par certains historiens des religions qui, comme Guy Stroumsa, voient dans le judéo-christianisme le bouillon de culture duquel émergea effectivement l’islam. De quoi interroger notre rapport à l’islam mais aussi, plus largement, aux grandes catégories religieuses que nous avons peut-être un peu trop vite tendance à considérer comme acquises
À lire l’article de Patrick Andrist » L’irréductible diversité du christianisme «
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