Alors que les portes des églises se sont fermées, qu’il n’est plus possible de se rassembler, me voici recluse à la maison, assignée à résidence pour vivre la « grande semaine ». Les chrétiens rivalisent de solutions pour venir en aide aux paroissiens esseulés : messes télévisées, retraites en ligne, prière guidée, kit familial pour célébrer sans célébrant…L’écran d’ordinateur pourra-t-il me dire où se tient Celui dont l’Évangile me dit « qu’il n’est plus ici » (Marc 16, 6) ?
J’ouvre ma bible pour tenter de percevoir les traces de cet homme relevé au troisième jour. Faire silence pour écouter le récit de ce fils de Dieu qui refuse aux démons de dire qui il est. J’y entends l’humilité du nazaréen qui ne guérit jamais à la première personne du singulier et qui fait le bien presque furtivement : « Où est-il celui là qui t’a guéri ? » (Jean 9, 26). Privés de messes beaucoup se disent désorientés, ils ont « perdu » Jésus : « Si c’est toi qui l’a emporté, dis-moi où tu l’as mis, et je l’enlèverai » (Jean 20, 15). La longue réclusion forcée pourrait-elle faire perdre pied à ce point ?
Dans mon église, le samedi saint est un jour a-liturgique. Il n’y a ni chœurs, ni fleurs, et le tabernacle est grand ouvert, vide. Jésus dé-confiné. J’aime ce jour de grand vent qui balaye cette manière de mettre en boîte l’absolue ouverture. La petite lucarne de nos écrans fonctionne un peu de la même façon. Cet ostensoir 4.0 qui rayonne de tous ses feux dans la nuit de nos questions et de nos attentes ne nous empêche-t-il pas de percevoir l’invisible présence ? Sur le chemin cabossé qui mène à Emmaüs c’est bien plus en écoutant qu’en voyant que les visages se relèvent, et que les cœurs se réchauffent au pas de l’hôte étranger. Là encore, le Vivant incognito donne sens au chaos « Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards » (Luc 24, 31). Depuis l’ascension, circulons, il n’y a plus rien à voir !
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