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Fuyez le camp du bien !

 

Une des habitudes les plus rageantes de notre temps est cette propension à simplifier les problèmes et leurs solutions, quitte à faire fi des éventuelles données scientifiques à disposition. Le tout, saupoudré de moralisme et de soumission à la nature. Exemples typiques de cette tendance ? Le discours anti-glyphosate, car même si les données scientifiques sérieuses sont unanimes pour dire qu’utilisé correctement il n’est pas dangereux, le camp du bien estime que les produits chimiques, c’est mal et les produits naturels, c’est bien. Le nucléaire, dont tant de citoyens continuent à croire qu’il émet du CO2, trompés par le discours anti-nucléaire ambiant parce que le camp du bien a décidé que le nucléaire, c’est mal et les éoliennes, c’est bien. On ne compte plus les actions du camp du bien pour faire oublier les faits. Mais la réalité est têtue : la nature, c’est un mélange de beauté (la lune a de quoi émerveiller) et de laideur (songez aux lions qui tuent les lionceaux qui ne sont pas les leurs).

Le monde est complexe et les êtres humains qui le peuplent aussi. Il n’y a que dans les contes que les personnes sont gentilles ou méchantes. D’un côté, les princes, les fées, les nains, de l’autre les ogres, les marâtres, les sorcières. À l’âge adulte, il est inquiétant de considérer les hommes au travers de prismes réducteurs. Gentils employés contre méchants patrons, gentils colonisés contre méchants colonisateurs et, mon préféré, gentilles femmes contre méchants hommes. Sornettes. De même qu’il n’y a pas d’un côté les saints et de l’autre les pécheurs (simul justus et peccator). Fuyez le camp du bien érigé en système autoritaire, recherchez l’altérité, la mixité, la complexité, la difficulté. Et savourez ce moment où les œillères tombent, où les arguments honnêtes d’un autre auront eu raison de vos préjugés : il y a là quelque chose de divin.

 

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À propos Abigaïl Bassac

est titulaire d’un master de l’École Pratique des Hautes Études (section des sciences religieuses) et étudiante en master de théologie à Genève. Elle est assistante des enseignants à l’Institut Protestant de Théologie et directrice de la rédaction d’Évangile et liberté.

8 commentaires

  1. Jean-Pierre Capmeil

    Un article si vrai et surtout si actuel.
    Merci Abigaïl !

  2. amarie.menvi@orange.fr'
    ANNE MARIE MENVIELLE

    Bonjour et merci Madame, votre réflexion fait beaucoup de bien

  3. feriaud.pierre@gmail.com'

    Merci pour cet article.
    Il faut se méfier des minorité agissantes dont les arrières pensées ne sont pas toujours bienveillantes.
    Nous , protestants, nous sommes armés contre ses dérives alléchantes par l’étude et l’interprétation de nos textes sacrés. Sachons en profiter pour réfléchir avant de nous engager dans quelque opinion ou idéologie que ce soit, et ne nous entourons pas de murs dogmatiques!

  4. anna.jezequel@orange.fr'
    Anna Jézéquel-Verseils

    Chère Madame, je suis entièrement d’accord avec la deuxième partie de votre éditorial.
    En effet, il faut « fuir le camp du bien » quand il n’est fondé que sur des dogmes et des idéologies simplificatrices.
    Mais si je peux me permettre, vous avez choisi deux mauvais exemples pour ce camp du bien, ou en tout cas, vous leur avez opposé une supposée pensée complexe (« le glyphosate ne fait pas de mal quand il est bien utilisé » et « le nucléaire ne produit pas de CO2 ») qui est pourtant tout aussi simpliste – et erronée – que ce que vous vouliez dénoncer.
    Permettez à une petite agricultrice bio de présenter la question du glyphosate autrement. La question ne me semble pas être « est-il dangereux ? ». Je crois qu’en la formulant ainsi, on pourrait tout aussi bien se demander si le béton est dangereux. Cela n’a pas grand sens. Ce qui en a, c’est de comprendre sur quel modèle d’agriculture se fonde l’usage du glyphosate, des herbicides en général, des fongicides et autres pesticides. Le gphyphosate est dangereux pour les plantes, cela vous l’admettrez, puisque c’est son objet même, être un herbicide. Pour aller plus vite, cultiver plus de surface, obtenir plus rapidement plus de rendement, beaucoup d’entre nous avaient choisi une agriculture « simplifiée », qui cherchait à retrancher, supprimer, éradiquer, les éléments vivants qui se mettaient en travers de nos cultures. Le problème c’est qu’ainsi, nous avons provoqué une réaction absolument « naturelle » de ces êtres vivants que sont les mauvaises herbes, insectes, champignons et autres ennemis : d’abord ils tendent à se rééquilibrer en permettant à d’autres « ennemis des cultures » de se développer à la place laissée vacante par le nettoyage, puis en devenant résistants aux pesticides, puis ils finissent en effet par disparaitre et laisser, au choix, les sols nus et vides de faune ne plus stocker de CO2, s’éroder, mourir, puis le reste de la chaine s’appauvrir.
    Enfin, si nous préférons les produits « naturels » aux produits « chimiques », nous préférons surtout ne plus cultiver de manière simple, en retranchant, mais essayer d’utiliser ce que nous comprenons du vivant pour collaborer avec lui dans nos cultures, très modestement (par exemple, essayer de cultiver nos céréales dans un couvert végétal vivant – un trèfle convient parfois -). Et, en dernier recours, user de procédés de désherbage mécanique pour défendre notre culture plutôt qu’un produit ‘cide fut-il naturel (le naturel, c’est plutôt une précaution qu’une certitude, c’est de se dire qu’une molécule présente dans le monde vivant depuis quelques milliers ou même centaines d’années a eu un peu plus de temps pour prouver qu’elle ne causait pas trop de dégâts dans le vivant qu’une molécule fraichement synthétisée).
    Quant au nucléaire, ce n’est pas mon métier, mais il me semble que ce qu’on lui reproche avant tout, c’est de produire des déchets dangereux et terriblement pérennes, ainsi que d’être une énergie tellement délicate à maintenir sous contrôle qu’elle nécessite des formes d’usage très centralisées et surveillées, incompatibles avec un monde qui se déliterait du fait de guerre ou de catastrophe.
    Voilà. Permettez-moi aussi de souligner que nous, agriculteurs écolos ou non, aimerions travailler AVEC la nature, puisque nous en faisons absolument partie. Nous caricaturer en écrivant que nous voulons « nous soumettre à la nature », n’est pas plus pertinent que de continuer à véhiculer l’antique prétention de l’homme à « soumettre la nature ».
    Bien à vous, et malgré vos propos méprisants quant à mon travail et mon intelligence, je continuerai à lire Evangile & Liberté.
    Anna Jézéquel-Verseils

  5. feriaud.pierre@gmail.com'

    Chère Madame,
    Je vous comprends, il nous faut une agriculture de qualité pour une production biologique, respectueuse de la nature et non pas « dominant » la nature. En conséquence l’utilisation de pesticides et d’herbicides devrait être proscrite.
    Malheureusement cette agriculture est incapable de produire suffisamment pour nourrir les hommes. Nos sociétés sont urbaines, et a besoin d’une agriculture « intensive ».
    Alors quelles solutions? Les mouvements écologistes les plus radicaux demandent une décroissance. Cela veut il dire : envoyer tout le monde à la campagne pour que chacun ait son petit jardin, être insoumis à l’utilisation des technologies modernes, vivre dans des communautés « love and peace » ? Ca n’a pas marché et cette idéologie peut être dangereuse si elle est imposée.
    A mon avis la solution se trouve dans le progrès technique, en éternel mouvement, résultat de l’intelligence des hommes, et la mise en pratique de technologie respectueuse de l’environnement, à condition que les règlements et lois soient respectées. (il faut du courage politique pour cela, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui).
    Je soutiens que l’article de Mme Abigail Bassac est de qualité et que l’idéologie écologiste ne peut pas conduire à la paix

  6. luc.pg@free.fr'

    « Fuyez le camp du bien ! «
    Tel est l’exhortation d’Abigail Bassac dans l’éditorial du n°336 de février.
    Oui, mais à condition d’ajouter : « mais pas la lutte ni les combats ! «
    Je rejoins en effet A. Bassac dans sa dénonciation de la simplification malhonnête des arguments et de la réduction des personnes en catégories binaires : gentils contre méchants… Les problèmes sont complexes et les hommes ne sont pas saints OU pêcheurs.
    Cependant, à l’image du Christ non violent et aimant son ennemi, nous avons des combats à mener pour que le droit et la justice soient respectés, car nous ne sommes pas dans un monde de bisounours et tout ne se vaut pas : parce que, après réflexion et examen attentif des arguments des uns et des autres, je pense que les éoliennes c’est mieux que le nucléaire, que les engrais naturels sont mieux que le glyphosate, que l’égalité et le respect entre l’homme et la femme, c’est mieux que la domination et la violence du premier sur la seconde, etc.
    C’est pourquoi A. Bassac aurait dû dire que les simplifications du « camp du bien » sont le miroir regrettable des mensonges du « camp du mal » : amiante, sang contaminé, mediator, réchauffement climatique, nucléaire, … Combien de luttes individuelles et collectives pour dénoncer les mensonges des « riches » et des « dominants » ?
    Finalement, j’ai trouvé en page 23 un billet intitulé « Conflits « qui aurait fait un bel éditorial !

  7. erwan.wikimedia@gmail.com'

    « Le monde est complexe et les êtres humains qui le peuplent aussi. » Bravo à Évangile & Liberté et à Madame Bassac pour nous servir des poncifs de pilier de comptoir.

    Vous vous voulez provocateurs et éclairés, mais vous croyez que les gens sont contre le nucléaire parce qu’il produit du CO2 ?… Mais dans quel genre de monde vous vivez ?

    Vous pensez que, vous, vous laissez la place au doute et à l’esprit critique mais vous allez soutenir l’usage du glyphosate parce que les « études scientifiques montrent que ce n’est pas dangereux ». Mais quelle étude ? Et financée par qui ?

    Pas la première fois que derrière votre prétendue érudition vous nous sortez un discours aussi rétrograde que celui du plus bêta des soutiens de Trump ou Bolsonaro.

  8. zezenflower@hotmail.com'

    Cher Monsieur,

    Merci pour votre message.

    Concernant le fait que la mauvaise image du nucléaire est liée à l’idée qu’il émettrait du CO2, j’avais en mémoire un sondage dont vous pouvez retrouver des éléments ici: https://www.bva-group.com/sondages/francais-nucleaire-sondage-bva-orano/
    Extrait: « Le nucléaire est perçu plutôt négativement sur le plan environnemental
    Le fait que le nucléaire émette peu de CO2 est peu connu des Français, qui considèrent au contraire très largement (69%) que le nucléaire contribue au dérèglement climatique »

    Concernant la non dangerosité du glyphosate pour l’homme:
    – les agences sanitaires sont unanimes sur la question:
    https://www.google.fr/amp/s/amp.lepoint.fr/2306274
    – Extrait de la page 14 du rapport de l’ANSES disponible à cette adresse https://www.anses.fr/fr/system/files/Fiche_PPV_Glyphosate.pdf
    « Conclusions de l’évaluation des risques de l’EFSA17
    Dans l’évaluation des risques réalisée en 2015, l’EFSA conclut qu’il est improbable que la substance soit génotoxique ou qu’elle constitue une menace cancérogène pour l’homme. »

    Cordialement,
    Abigaïl Bassac

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