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L’Église protestante Ma’ohi

 

L’ Église protestante Ma’ohi (EPM) a décidé au cours de son 133e synode en 2017 de déposer plainte contre la France pour «crime contre l’humanité » au tribunal de La Haye en raison des conséquences des essais nucléaires sur les populations de l’archipel polynésien. Dans une interview radiophonique prononcée au début de l’année 2018, le président de l’EPM, Taaroarii Maraera, justifie cette plainte par ces mots : « […] les conséquences ne sont pas derrière nous […]. Pour nous, ce qui est problématique c’est que les effets désastreux du nucléaire, ce sont nos générations futures qui les porteront. La grande question est : comment seront ces futures générations ? […] La responsabilité de l’État se pose par rapport aux nouvelles générations. »

L’EPM regroupe quasiment 40 % de la population de l’archipel, dont les membres (95 000 personnes) sont essentiellement d’ethnie polynésienne. C’est une Église réformée qui défend l’identité de son peuple et qui utilise la langue polynésienne, le Reo maohi, lors de ses cultes.

Cette volonté d’être au service des Polynésiens a amené l’EPM à s’opposer aux essais nucléaires que la France a commencés en 1966 sans avoir consulté la population locale. Jusqu’en 1996, la France a effectué 193 essais à Fangataufa et surtout à Moruroa ; 46 tirs ont eu lieu dans l’atmosphère puis 147 dans des puits souterrains. Or, tous ces tirs ont eu pour conséquence des retombées radioactives sur les îles de l’archipel y compris Tahiti.

Les autorités françaises ont eu une gestion très opaque des conséquences des essais nucléaires, refusant notamment la déclassification des documents sur ce sujet. Ce n’est qu’en 2012, que le secret-défense est partiellement levé. Les 58 documents déclassifiés confirment la contamination radioactive des zones habitées de l’archipel polynésien. Comme l’a dit Le Parisien qui a été un des rares journaux à publier plusieurs articles sur ce sujet, « la propreté des essais n’était qu’une mystification » . Il faut attendre 2016 pour qu’un président de la République, François Hollande, admette l’impact sanitaire des essais nucléaires : « Je reconnais que les essais nucléaires menés entre 1966 et 1996 en Polynésie française ont eu un impact environnemental, provoqué des conséquences sanitaires. »

Pendant ce temps, l’EMP n’est pas restée inactive. Elle est à l’origine de l’association Moruroa e tatou créée en 2001. Cette association a pour but de donner le plus d’informations possible sur les conséquences des essais nucléaires au sein de la population polynésienne. Elle demande aussi que des expertises indépendantes puissent se faire.

Une étude est finalement lancée grâce à l’association Moruroa e tatou et grâce à Bruno Barrillot, délégué aux conséquences des essais pour le gouvernement de Polynésie jusqu’à son licenciement en 2013 par le président Gaston Flosse. Cette enquête menée entre 2012 et 2016 par le pédopsychiatre Christian Sueur démontre que les cellules des anciens travailleurs du centre nucléaire, ou de la génération des grands-parents qui peuplaient les îles aux alentours de Fangataufa et de Moruroa, ont transmis des gênes pathologiques aux générations suivantes. Les conséquences sont dramatiques pour les enfants. Dans la seule île de Tureia, un enfant sur 4 est atteint d’un cancer de la thyroïde.

Cette étude a provoqué une réaction positive de la part de l’actuel président de la Polynésie Edouard Fritch qui a annoncé en février 2018 sa décision de confier à la généticienne japonaise Katsumi Furitsu, spécialiste des maladies radio-induites, la présentation d’un projet d’étude scientifique sur les conséquences des essais nucléaires.

Mais pour l’EPM et l’association Moruroa e tatou cela ne suffit pas ; il faut que la vérité et la justice soient dites. Pour cela, elles exigent l’ouverture de toutes les archives militaires à des chercheurs indépendants et l’indemnisation des victimes, de plus en plus nombreuses, des essais nucléaires

 

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À propos Jean Paul Augier

est docteur en histoire contemporaine. Il est engagé dans plusieurs associations notamment Évangile et Liberté, le Musée du protestantisme dauphinois... Il est l’auteur du livre Une passion républicaine, protestantisme, républicanisme et laïcité dans la Drôme, paru en 2014.

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