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On ne naît pas protestant, on le devient

Parmi les ouvrages qui, pour moi, ont contribué à cette évolution, figure un livre sans doute inattendu – et aujourd’hui bien oublié : L’Oblat, de Joris-Karl Huysmans. Publié en 1903 et troisième tome de la série des « aventures spirituelles » de Jérôme Durtal (les deux premiers étant En route et La Cathédrale), L’oblat décrit le terme d’une quête qui conduira un jeune homme, de la vie facile et dissolue du Paris de la Belle Époque, après quelques incursions dans l’obscur et l’occulte (Là-bas, 1891), à une conversion catholique profonde et à l’adhésion au tiers-ordre de Saint-Benoît. Nous voici, en apparence, bien loin du protestantisme – libéral ou non !

Déjà, après la publication de l’inoubliable et décadent À rebours, en 1884, Barbey d’Aurevilly avait prédit que son auteur, Huysmans, aurait à choisir « entre la bouche d’un pistolet et les pieds de la croix. » Autres temps, autre mœurs. Autre réaction, aussi : l’effervescence spirituelle exprimée par Huysmans de manière flamboyante en un temps de conflit violent entre l’Église (identifiée à « la religion ») et la République (identifiée au « siècle ») ne permettait sans doute pas de demi-mesure. Mais le catholicisme de Huysmans, même épuré par la retraite, sent pourtant encore le fagot : les exubérances symboliques et mystiques de La Cathédrale en témoignent. En revanche, en un temps où ces convulsions et ces outrances ne sont plus de saison, j’ai retiré de la première lecture de ce livre – relu plusieurs fois depuis lors, comme un mémorial – l’évidence qu’il y a des questions qu’on ne peut éviter indéfiniment. Et notamment celle du sens, de l’origine de tout et du fondement de l’être. En un mot, l’énigme de ce que, pour reprendre la plaisante expression de Jean d’Ormesson, « nous avons l’habitude et le droit de nommer Dieu ».

Je ne peux justifier davantage que cette lecture ait contribué à me diriger vers le protestantisme libéral – bien étranger à Huysmans ! –, sinon pour cette raison, que j’aperçois seulement depuis : parce que c’est une approche de la religion qui ne refuse aucune question, ne repousse aucune hypothèse et ne se satisfait d’aucune vérité. Le héros de L’oblat s’était dit lui-même « En route ». Nous le sommes tous…

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À propos Roger Dachez

est médecin et universitaire à Paris. Historien de la médecine, il est également auteur de nombreux articles et de plusieurs livres sur l’histoire des courants ésotériques et mystiques dans l’Europe moderne.

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