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2. La louange

 

Oratorio de Noël, de Jean-Sébastien Bach mis en scène par le chorégraphe John Neumeier et le Ballet de Hambourg. Il a également créé un ballet sur la Passion selon Matthieu de Bach.

Oratorio de Noël, de Jean-Sébastien Bach mis en scène par
le chorégraphe John Neumeier et le Ballet de Hambourg.
Il a également créé un ballet sur la Passion selon Matthieu de Bach.

l’image de la vie, le culte est une respiration. La grâce reçue est à l’inspiration ce que la louange est à l’expiration. Au début du culte, la proclamation de la grâce est suivie de la louange. L’inspiration et l’expiration sont des mouvements naturels du corps pour vivre. De la même façon, accueil de la grâce de Dieu et expression de louange sont deux mouvements qui nous animent pendant le culte. Dans toutes les liturgies de culte, la louange s’exprime aussi bien dans un temps qui lui est dédié que tout au long du culte car il y a de la louange dans tous les temps liturgiques. Même lorsque nous prions au sujet de difficultés, nous louons Dieu car en nous adressant à lui, nous reconnaissons qu’il est le dispensateur de toute vie à qui nous nous en remettons.

En dehors du culte aussi, la louange est présente dans la vie du croyant, car si nous croyons en Dieu, nous le louons, le plus souvent à notre insu. C’est parce qu’il nous est donné de vivre que nous croyons et que nous louons celui par qui nous vivons. Ainsi, il y a une très forte proximité de sens entre vivre, croire et louer. Cela nous amène même à considérer qu’au-delà de la foi en un Dieu d’une révélation particulière, il est difficile de vivre sans croire, quel que soit l’objet de notre foi, qu’il s’agisse d’un « Dieu » ou non.

Ainsi le vivant, par sa respiration, loue celui en qui tout s’origine et tout se termine. Mais cette conviction ne peut être imposée par celui qui croit ainsi à celui qui n’y croit pas. Elle est sa conviction personnelle qu’il aimerait partager. En attendant, il se réjouit de croire qu’un grand mouvement de louange précède et dépasse toute louange particulière. Il s’agit de la louange de tout ce qui respire. Il est donné au croyant d’y entrer, d’y participer et d’en devenir un acteur conscient. Pour reprendre l’image du corps qui respire, il existe de nombreuses techniques dans différentes traditions pour prendre conscience de notre façon de respirer. De façon analogue, la participation au culte est une pratique qui permet de prendre conscience de la façon dont nous respirons par et avec Dieu. À partir de là, il est possible de cultiver sa louange. C’est même selon Augustin d’Hippone « l’œuvre principale de l’homme que la louange divine ».

« Louer Dieu », quelle action concrète désigne cette expression ?

Louer (du latin laudare) consiste « à déclarer quelqu’un ou quelque chose digne d’admiration ou de très grande estime ». Les synonymes proches sont les verbes « exalter », « glorifier », « honorer », « magnifier », « célébrer », « adorer ». « Louer Dieu » est particulièrement associé à « glorifier » ou encore à « bénir ».

Tous ces synonymes avec leurs nuances particulières alertent sur la difficulté de délimiter précisément les contours de l’action de la louange. Pour faire simple, disons que lorsqu’elle est adressée à Dieu, elle est l’expression du sentiment de reconnaissance d’être vivant y compris dans les difficultés. En cela, elle est une pratique de discernement de la grâce, dans laquelle tout l’être est engagé. Mais elle est bien plus qu’un simple merci adressé à Dieu, elle est aussi reconnaissance de l’incommensurable différence qu’il y a entre lui et nous, elle est l’expression de notre espérance, elle ouvre sur la paix et la confiance en toutes circonstances. La louange adressée à Dieu est indissociable d’une part de joie et d’enthousiasme. Au cœur de l’épreuve, elle est résistance au désespoir et à la tristesse. La louange se fait bénédiction lorsqu’elle nous relie à tous les autres vivants avec qui nous partageons notre existence et avec qui nous « rendons grâce ».

Quelle sorte de louange avons-nous envie d’exprimer au culte ?

Le plus souvent, elle se restreint à l’expression de paroles et de chants accompagnés de musique. La musique collabore particulièrement à la louange car elle permet de dépasser le caractère limité de tout langage, elle permet d’exprimer de l’indicible. La louange pourrait utiliser bien plus de styles musicaux, et d’une façon générale, elle pourrait utiliser d’autres formes d’expressions poétiques et artistiques plus élaborées. La louange est une occasion de créativité. Voilà pourquoi elle est en si grande connivence avec tous les arts. Nous pouvons regretter de ne pas plus exploiter toutes ces possibilités, mais nous pouvons aussi nous enthousiasmer devant le potentiel infini de cette expression de la reconnaissance de vivre.

La louange n’est pas qu’une expression spontanée, car il serait erroné de considérer que la spontanéité absolue est seule garante de la présence active de l’Esprit de Dieu, qui agit évidemment dans la préparation. L’enthousiasme de la louange se prépare, se médite, s’anticipe et se réfléchit. C’est ainsi qu’elle peut s’ouvrir à la diversité des possibles. Mais une louange trop ouverte, trop diverse, trop éclectique ne risque-t-elle pas d’être incomprise et rejetée par une partie de ceux qui participent au culte ? Tout est affaire de mesure, il s’agit d’accueillir, d’ouvrir sans décourager. C’est ainsi que la communauté se construit, s’enrichit et s’ouvre progressivement à l’autre, au tout Autre. Lieu de diversité, d’enthousiasme et d’ouverture, la louange devient aussi un lieu d’expression de la fraternité dans l’interculturel et dans l’intergénérationnel. Car nous sommes appelés en Église (ecclésia) à louer Dieu ensemble sans nous enfermer dans nos propres marqueurs identitaires.

Et si…

Et si nous louions Dieu au culte en mouvement ? Et si au lieu de lire un texte, nous le dansions ? Les uns pourraient le lire et les autres le danser ? Mais nous pouvons tout aussi bien risquer des temps de louange silencieux ! Et si nous décidions quand même de distribuer des instruments de rythme ? Et si nous encouragions un mouvement de formation à la musique, et si nous ouvrions le temple un soir de la semaine pour que tous les musiciens, chanteurs (ou danseurs !) ou désireux de le devenir viennent préparer leur louange pour le culte à venir ? Et si nous ouvrions un atelier d’écriture de nouvelles expressions liturgiques de louange ?

Et si nous prenions le temps d’apprendre de nouveaux chants, et si nous nous donnions les moyens d’en créer de nouveaux, de composer de nouvelles mélodies, d’écrire de nouvelles paroles ? Et pourquoi ne reprendrions- nous pas les anciennes mélodies du psautier pour les adapter pour des instruments plus récents, sans pour autant oublier les anciens arrangements ? Et si avant cela, nous invitions un historien à nous raconter qui étaient Claude Goudimel, Clément Marot et comment et à partir de quelles consignes ils ont conçu le psautier de Genève ? Et quelle en fut l’histoire ? Et si une chorale se constituait pour chanter régulièrement au culte ? Et si ses membres s’habillaient avec « des habits de louange » ? Et si nous réfléchissions à un culte différent le samedi soir ? Et si pendant les beaux jours, on ouvrait en grand les portes du temple jusqu’à la prédication pour que la louange résonne à l’extérieur ? Et si pendant la prédication, un refrain pouvait être entonné régulièrement pour appuyer le propos et redynamiser l’écoute ? Et si pour le prochain culte, nous venions tous en blanc ? Et si nous allions donner notre offrande (autre façon de louer Dieu non abordée) en dansant sur la musique de louange ? Et si… nous nous laissions prendre au plaisir d’inventer de la louange à adresser à Dieu pendant le culte ?

La louange ne serait plus alors cet exercice convenu, qui ne nous touche pas vraiment, point de passage obligé de la liturgie avant d’accéder au contenu central du culte trop souvent perçu comme étant le seul vraiment intéressant : la prédication dans sa forme classique de l’écoute immobile et recueillie d’un prédicateur qui s’adresse à son auditoire. La louange se risquerait alors à être participation à cette prédication, elle pourrait même se recevoir comme une prédication vécue, incarnée, méditée, qui s’adresse tout autant au corps dans son besoin de dire en action qu’à l’esprit dans son besoin de réfléchir et d’approfondir. Ce serait alors une prédication élargie et renouvelée du cadeau, du don, de la grâce d’être disponible pour la vie à chaque instant de l’existence

 

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À propos Georges Letellier

Georges LETELLIER est devenu pasteur de l’Église protestante unie de France après une carrière en gestion de projets informatiques. Après 6 années au Foyer Fraternel d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, il vient d'arriver à Poissy dans les Yvelines.

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