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L’apôtre Paul et les Jeux Isthmiques

Les Jeux d’Olympie ont été créés en 776 (av. JC) en l’honneur de Zeus olympien, et supprimés en 393 (ap. JC) par l’empereur très chrétien Théodose, farouche démolisseur de temples et fêtes païennes.

Il y avait d’autres Jeux que ceux d’Olympie ; à Corinthe – dont l’isthme sépare deux mers –, on célébrait les Jeux Isthmiques dédiés à Poséïdon ; à Delphes, les Jeux Pythiques en l’honneur d’Apollon et de la pythie qui révélait ses oracles ; il y en avait aussi à Némée, puis à Antioche entre le premier et le cinquième siècle.

À Olympie, ils avaient lieu tous les quatre ans, ailleurs ce pouvait être deux ou quatre ans ; les épreuves étaient gymniques et hippiques. Il n’y avait qu’un seul vainqueur par discipline, couronné et non médaillé. La première mention de Jeux se trouve dans l’Illiade : ce sont des Jeux funéraires célébrés par Achille – dans sa détresse d’avoir vu mourir son ami Patrocle.

  Un temps de paix

Le vrai sens de tous ces Jeux était : la paix. En effet, toutes ces cités grecques indépendantes ne cessaient de se battre entre elles, or chacune était sous le « patronage » d’un dieu, qui guidait les armées. Ainsi, on en arrivait à faire se combattre les dieux entre eux, ce qui était absurde, scandaleux et intolérable. Pour un Grec de l’antiquité, l’essentiel était d’être en bonne relation amicale – même familière – avec le dieu de sa cité pour s’assurer une bonne vie, de bonnes récoltes à l’écart des malheurs ; car ce sont les dieux qui ont créé la Nature, et la Nature est plus forte que l’homme.

Quelle sagesse ! Quel bon sens ! Ils nous manquent souvent aujourd’hui.

Donc, il fallait tout faire pour vivre en paix entre cités. Surtout pas la guerre !

Les jeux imposaient deux mois de cette paix si précieuse avant leur début : un mois pour permettre aux athlètes – qui venaient parfois de très loin, par terre ou par mer – de circuler en sécurité, et celle-ci était assurée ; une fois arrivés, un autre mois pour l’entraînement sur place, dans la Palestre et autres aménagements voisins du stade. Les Jeux ne duraient que six jours. Il n’y avait pas de flamme olympique, mais certains vases présentent des cortèges aux flambeaux.

Chaque athlète concourait au nom de sa cité et promettait d’être le meilleur.

À Olympie, juste avant de franchir l’entrée du stade, on a retrouvé une grande fosse pleine de débris d’armes blanches : chaque homme – athlète ou non – était obligé de déposer son arme – sans laquelle aucun homme digne de ce nom ne se déplaçait – et peut-être est-ce là l’origine de l’expression « déposer les armes ».

Quant au vainqueur, il était couronné de rameaux d’olivier tressés, coupés avec une serpe en or, par un jeune garçon ayant ses parents en vie. Les parents, en effet, pouvaient témoigner qu’il était bien citoyen de la cité, donc digne d’assurer cet acte civique de la plus haute importance. Pourquoi un jeune garçon ? Un éphèbe donc ? Idée de pureté ? De beauté ?

 Paul à Corinthe pendant les Jeux Isthmiques

On ne concourait pas pour le plaisir du sport dans lequel on excellait, on se battait pour sa cité et pour son dieu. On a pu, par le calcul, reconstituer les dates des Jeux et on est sûr qu’à Corinthe des Jeux Isthmiques ont eu lieu en 52 ; or, en 52, Paul est à Corinthe au cours de son deuxième voyage de mission de 49 à 52, c’est son plus long séjour dans cette ville ; il est accompagné de Silas et de Timothée, Luc les rejoignant plus tard.

1 Co 9 prouve que Paul est parfaitement au courant de l’organisation des Jeux : un seul remporte le prix, les athlètes s’imposent une ascèse rigoureuse. On comprend qu’il y avait une épreuve de boxe puisqu’il écrit : « Je boxe, mais je ne frappe pas dans le vide […] Je traite durement mon corps […] Les athlètes courent pour une couronne périssable, nous pour une couronne impérissable. » De toute évidence, il a beaucoup d’estime pour ces athlètes et par cette comparaison, il veut dire aux Corinthiens : « Les athlètes servent le dieu de leur cité ; vous, vous servirez avec la même constance et la même ferveur votre Dieu qui est au ciel. » Et où pouvait-il mieux mesurer la « température » de la ville qu’aux Jeux ?

Biblistes et spécialistes de l’apôtre Paul sont d’accord pour penser qu’il n’a pas manqué d’assister à ces Jeux de 52.

Pour lui, Corinthe est une étape dans sa mission, mais une étape importante parce que Corinthe n’était pas une ville comme les autres : rasée en 146 (av. JC) pour des raisons politiques, elle est reconstruite sur ordre de César 100 ans plus tard, en raison de l’importance de son double port ; c’est une ville neuve, cosmopolite, qui s’ouvre sur la mer Égée et sur l’Adriatique de part et d’autre de l’isthme : deux ports reliés par une voie dallée de quelques kilomètres permettant aux bateaux de passer d’une mer à l’autre par halage, et éviter la longue et dangereuse navigation autour du Péloponèse.

Qui dit port dit esclaves, dockers, bistrots, petits marchands et prostituées, mais aussi armateurs riches, du luxe, des écoles, des philosophes et des lettrés – une population totalement disparate et cela se sent bien dans les discours tenus dans les deux épîtres aux Corinthiens, écrites pourtant quelques années plus tard, mais qui prouvent combien l’apôtre avait été marqué par cette ville et ses Jeux. En plus, la ville était sous l’égide d’Aphrodite à laquelle un culte était rendu avec des prostituées sacrées.

La petite communauté chrétienne, toute neuve, a bien besoin de Paul pour la consolider. Ce n’est pas un discours intellectuel qu’il lui adresse ; il parle de tout ce qui est resté en mémoire de ces Jeux de 52 : le stade, les athlètes, les couronnes… « Courez donc de manière à remporter le prix. » Mais quel prix ! Le Royaume de Dieu, père de Jésus-Christ ; c’est dire qu’être chrétien, c’est sans comparaison avec l’effort d’un athlète, même vainqueur. Cette trêve éphémère que sont les Jeux donne une idée infime de ce que sera la paix donnée par Dieu à ceux qui s’aiment comme des frères ; c’est dire que Jésus-Christ est venu parmi les hommes pour que règne l’amour de son Père donné à toute l’humanité.

Quelques chapitres plus loin (1 Co 13), Paul écrit ce magnifique hymne à l’amour : l’amour trouve sa joie dans la vérité, il excuse tout, espère tout, ne disparaît jamais. Ce discours se termine par le verset le plus connu : « Maintenant demeurent ces trois : la foi, l’espérance et l’amour, mais l’amour est le plus grand. »

 Les athlètes des Jeux Olympiques et le discours de Paul

Dans les Jeux Olympiques qui se sont déroulés cette année en Russie, j’ai été plus impressionnée que les autres fois – me semble-t-il – par les profondes qualités humaines de ces sportifs de très haut niveau, vainqueurs ou non : l’amitié qui les unit, leur joie saine, la vérité de leur engagement, leur modestie aussi ; ils se connaissent tous depuis longtemps, toutes nationalités confondues ; leurs regards sont clairs, sans la moindre trace de jalousie ou de rivalité. Chacun croit ce qu’il croit ou ne croit en rien, mais combat sous le drapeau de son pays, tout comme les Grecs combattaient pour le dieu de leur cité, dans le même esprit. On décèle une sorte de communion solidaire dans le sport extrême : le choix de l’effort, la persévérance, qui font penser aux valeurs chrétiennes que Paul recommande aux Corinthiens ; s’il fait allusion aux Jeux, c’est bien qu’il avait ressenti comme une spiritualité dans leurs sentiments, le besoin de donner le meilleur de soi-même au service d’une belle cause, celle de la paix : être artisans de paix, et, pour les chrétiens, porteurs du flambeau de la foi.

Dans 1 Co 12, Paul déclare que nous avons tous reçu un ou des dons dans le même Esprit : Esprit de sagesse, de science, de guérison, de foi… Nul doute que ces jeunes athlètes ont reçu, eux aussi, des dons d’endurance, physique et psychologique, un cœur bien disposé, une tête bien faite, comme on dit. Et une grande sensibilité de sentiments : on en a vu qui pleuraient d’émotion et s’embrasaient, heureux de partager leur victoire ; et pour les amis déçus, ils disaient de généreuses paroles de réconfort.

Diversité de dons, divers modes d’action, mais c’est le même Esprit, reçu en vue du bien de tous. De vraies valeurs entre les mains de vrais témoins.

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À propos Christiane Poher

christiane.poher@evangile-et-liberte.net'

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