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Un livre-événement : Dynamique de la foi

A. Gounelle vient de publier une nouvelle traduction en français du beau livre de P. Tillich Dynamique de la foi (Éditions Labor et Fides/Laval, 18 €). Il présente ici cet ouvrage, un classique pour une théologie de tendance libérale.

Quand on parle de « foi », de quoi est-il exactement question ? Ce mot simple, que tout le monde croit comprendre donne lieu à quantité de malentendus. Il importe d’en préciser le sens. Ce que fait le théologien et philosophe Paul Tillich (1886-1965) dans ce petit traité (130 pages). Quand il paraît en 1957, Tillich est au sommet de sa carrière. Il occupe une chaire prestigieuse à l’Université d’Harvard. En 1952, il a publié Le courage d’être (voir Évangile et liberté no 213, novembre 2007) qui a eu un énorme succès. Mais les autres ouvrages de Tillich sont ardus et rebutent souvent les lecteurs par leur difficulté. Un éditeur lui demande alors d’exposer les grandes lignes de sa pensée dans un livre pour grand public cultivé, qui dise l’essentiel en évitant des développements trop techniques. Ce sera Dynamique de la foi.

  Le livre commence par une phrase familière à tous les lecteurs de Tillich : « Il y a foi quand on est ultimement concerné. » « Être concerné » entend souligner que la foi nous touche, nous fascine et nous mobilise ; dans et pour notre existence, quelque chose prend une importance fondamentale, décisive et indépassable (ce qu’indique « ultime »). Il ne s’agit pas d’adhérer à des croyances, d’éprouver des sentiments ou de prendre des décisions (même si toute foi a des composantes d’ordre doctrinal, émotionnel et volontariste). Il s’agit du sens que je donne ou qui s’impose à ma vie, qui commande et oriente mon existence personnelle. Il ne s’ensuit pas que la foi se manifeste à chaque moment ; elle n’élimine pas d’autres préoccupations et d’autres intérêts, qui nous prennent du temps et occasionnent des soucis. Mais par rapport à la foi, et même s’ils sont lourds, ces préoccupations et intérêts apparaissent secondaires, relatifs, limités.

  Ce sens ultime peut être Dieu et la foi est alors théiste ; il peut être la raison humaine ce qui donne une foi humaniste-rationaliste ; si c’est la marche de l’histoire vers une société sans classe, on a une foi de type marxiste. La foi déborde largement la sphère du religieux proprement dit ; il serait, sans doute, plus exact de dire qu’elle rend religieux des domaines qui apparemment ne le sont pas. Les différentes fois ne situent pas l’ultime au même endroit (et du coup débattent, parfois violemment, de ce qui est vraiment ultime), mais elles ont toutes en commun d’être « foi », souci de l’ultime ; elles méritent à ce titre qu’on les respecte, même s’il leur arrive de prendre des formes aberrantes qu’il faut combattre (on respecte les croyants, pas forcément leurs croyances).

  La foi n’est pas statique mais dynamique, toujours en mouvement. De nombreuses tensions l’habitent et lui donnent sa vitalité. Tension entre puissance et fragilité ; elle renverse les plus fortes murailles et pourtant un rien la fait trébucher. Tension entre ce qu’elle apporte (un apaisement, une joie) et ce qu’elle exige (un engagement total, le refus de ce qui fait mal et de ce qui va mal). Tension entre la confiance qu’elle suscite et le doute qu’elle provoque ; loin de l’exclure, la foi porte en elle le doute (comment ne pas se demander si ce qu’on tient pour décisif l’est vraiment), et l’acuité d’un doute témoigne de la profondeur d’une foi. Tension liée à l’écart entre l’ultime et la représentation qu’on en a. La foi tombe dans l’idolâtrie et le fanatisme quand elle transforme ses symboles en dogmes (ainsi quand elle confond Dieu avec ce qu’elle en dit) et elle a toujours à lutter contre les orthodoxies et les fondamentalismes qui la dénaturent. La foi en même temps soulage et charge, apaise et mobilise, rassure et inquiète, apporte des réponses et pose des questions.

  Ce livre est un bon guide pour la réflexion et aussi un ouvrage de spiritualité pour ceux qui désirent approfondir et clarifier leur foi. Il aide à cerner la nature et les aspects essentiels du religieux. Comme l’a écrit le grand théologien américain Niebuhr, il a sa place parmi les meilleurs classiques de nos bibliothèques.

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À propos André Gounelle

est pasteur, professeur honoraire de l’Institut Protestant de Théologie (Montpellier), auteur de nombreux livres, collaborateur depuis 50 ans d’Évangile et liberté.

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