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Modéré ? Moi, jamais !

Chaque époque a ses tics de langage. Il n’est qu’à écouter les reportages des années 50 pour s’en rendre compte : moult adjectifs, héroïsme valorisé parfois jusqu’au ridicule… Nous n’échappons pas à la règle du tic. Aujourd’hui, certain mots fonctionnent comme des mots obligatoires, bien que souvent creux : solidarité, laïcité, tolérance, changement, diversité,… On a l’impression d’avoir tout dit une fois ces mots-codes prononcés, quand bien même on ne dit… pas grand-chose. Une analyse lexicale des discours politiques et médiatiques (et théologiques sans doute…) s’imposerait ici.

  Arrêtons-nous sur un mot dont l’emploi est immodéré : le mot « modéré », précisément. Un exemple ? Un « bon » musulman (c’est-à-dire celui avec qui on peut parler !) est un musulman « modéré ». Un défenseur de la laïcité doit être modéré ; sinon c’est un « laïquard ». Un chrétien est soit modéré soit intégriste. Les exemples sont quasi-infinis… Le problème posé par cette dérive du langage est que l’on semble réserver la notion de « conviction forte » aux intégristes ! En lançant cet appel à la modération comme horizon ultime de l’élaboration intellectuelle, on fait le lit des intégrismes. Cet appel à la mollesse réduit nos audaces et notre créativité à celles… d’une limace ! Dans l’Apocalypse, Dieu « vomit les tièdes »…

  La pratique incessante du dialogue interconvictionnel m’a fait rencontrer des penseurs dont la conviction n’avait rien de tiède, loin des assemblées officielles et institutionnelles où « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ». On peut être libéral (chrétien, musulman, juif, athée) et très convaincu. On peut pratiquer l’humilité, l’autocritique, la franchise du dialogue, l’acceptation de la critique et ne pas être « modéré » pour autant. On peut oser des pensées buissonnières, originales, audacieuses, novatrices, sans être mou. Une conviction peut être forte et humble, sans prétendre imposer une vérité.

  Je me souviens ici de cette phrase d’André Dumas : « il faut être humble, mais pas modeste…

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À propos Jean-Marie de Bourqueney

est pasteur de l’Église protestante unie. Il est actuellement à Paris-Batignolles. Il est notamment intéressé par le dialogue interreligieux et par la théologie du Process.

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