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L’avenir est aux rideaux

J e me promenais un soir dans les rues de Paris, lumineuses de vie. J’observais une nette évolution qui ne cessa pas de m’étonner : la plupart des appartements n’avaient pas (ou plus ?) de rideaux ! J’étais assez content, je dois dire, car j’avais l’impression de visiter un magasin de décoration et d’éclairage avec, en prime, des personnes qui bougeaient (et même vivaient !) à l’intérieur. Je pus observer les tendances en matière de lampes, de tableaux ou même de canapés. Car, heureusement, côté rue ce sont les salons que l’on voit… Je pus voir des personnes recevant des amis (ou de la famille, je n’ai pas bien fait la différence), d’autres seules devant leur télévision. Je peux même vous dire que TF1 a la cote ! (qui a dit « hélas »… ?). Certaines en étaient à l’apéritif, d’autres au dessert. Bref, ce fut une vraie plongée ethnographique dans la vie des parisiens.

  Mais, rapidement, cette joie de l’observation laissa place au malaise du voyeur que je ne voulais pas être. Car je n’étais pas le seul « ethnologue » dans la rue… Nous étions quelques milliers même ! Je me suis posé une première question : ferais-je la même chose chez moi ? La réponse fut immédiate : un « non ! » catégorique. Une seconde question : alors pourquoi ces personnes exposent-elles leur vie, leur espace privé, leur intimité (même décorée avec goût) ? Sans doute peut-on voir dans cette évolution le rêve d’une « transparence » de vie, façon « Facebook » mais en vrai ? Peut-être… Mais on peut aussi y voir le dernier avatar d’une tendance bien humaine : se mettre en scène. S’exposer, se faire regarder, c’est aussi l’illusion d’une reconnaissance, l’illusion d’appartenir à une communauté « d’amis ».

  Si l’intime s’expose, alors je ne suis plus qu’un objet du regard des autres, et non le sujet de ma propre existence. L’intimité, c’est le lieu de ma personne libre, et non le théâtre d’un personnage stéréotypé, formaté, cadré, mimétique… Sans espace privé, je deviens aussi transparent et aussi « vide » que les personnages du roman d’Orwell, « 1984 », surveillés par « Big Brother »… Tragique ! Si vous venez dîner chez moi (avec plaisir !), il y aura des rideaux… promis !*

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À propos Jean-Marie de Bourqueney

est pasteur de l’Église protestante unie. Il est actuellement à Paris-Batignolles. Il est notamment intéressé par le dialogue interreligieux et par la théologie du Process.

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