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La Satire Ménippée

Trop oubliée aujourd’hui, La Satire Ménippée est une oeuvre importante de la fin du XVIe siècle, qui est venue au secours de la royauté. C’est grâce à elle qu’Henri de Navarre a pu devenir Henri IV.

Au moment où la Ligue cherchait à écarter Henri de Navarre du trône de France, et où les Espagnols cherchaient à y asseoir l’infante d’Espagne, une oeuvre satirique collective, misérieuse, mi-plaisante, prit la défense du futur Henri IV.

  Le titre de cette oeuvre a une double inspiration : « La Saturae Menippeae » de Varron (écrivain romain du Ier siècle avant J.-C.) et le philosophe cynique phénicien Menippe (IIIe siècle avant J.-C.). La Satire Ménippée commence à être rédigée en 1593 à Tours. Elle circule sous le manteau quelques années, connaît plusieurs éditions en 1595-97 avant d’être définitivement adoptée.

  La Satire a eu plusieurs auteurs – tous catholiques, deux d’entre eux sont d’anciens protestants. Ils appartiennent au parti des « politiques ». Ce courant refusait les excès des Guises et de la Ligue et soutenait en fait la Royauté. Ils sont de tendance gallicane refusent les ingérences étrangères, espagnoles pour les catholiques et anglaises pour les huguenots. Ils ont toujours souhaité la paix dans le Royaume. Pierre Le Roy, auteur de La vertu du catholicon a inspiré le plan de l’oeuvre. Pierre Pithou a revu l’ensemble et rédigé la harangue d’Aubray. Jean Presserat, Gilles Durand, Florent Chrétien et Rapin ont contribué à la réussite de cette oeuvre. Tous se retrouvaient chez Jaques Gillot quai des orfèvres, là ou Boileau naîtra, quelques années plus tard ! Peut-être y a-t-il d’autres auteurs inconnus ?

  Écrite par plusieurs auteurs, La Satire manie le style du pamphlet avec humour mais sans excès, la diatribe, la poésie. Elle est oeuvre littéraire qui clôt le XVIe siècle baroque et rabelaisien. C’est aussi une oeuvre historique qui nous décrit la Ligue, sa procession, ses personnages avec leurs ambitions. Dans la « Vertu du Catholicon d’Espagne » qui est en fait la préface de l’oeuvre écrite par Le Roy, on a ce passage souvent cité qui donne le ton :

 « Ô Paris, s’écrie-t-il, qui n’est plus Paris mais une spélunque (ndlr : une spélunque est une caverne) de bestes farouches, une citadelle d’Espagnols, Wallons et Néapolitains, un asyle et seure retraicte de voleurs, meurtriers et assassinateurs. Ne veux-tu jamais te ressentir de ta dignité et te souvenir que tu as esté, au prix de ce que tu es ? Ne veux-tu jamais te guarir de ceste frenesie qui, pour un légitime et gracieux roy t’a engendré cinquante roytelets et cinquante tyrans ? Te voilà aux fers, te voilà en l’inquisition d’Espagne, plus intolérable mille fois et plus dure à supporter aux esprits nez libres et francs, comme sont les français que les plus cruelles morts, dont les Espagnols ne sauroyent adviser».

  En fait La Satire est un livre très politique ! La Ligue est créée en 1576 : parti politique puissant, activiste, ultra catholique, elle se survivra à elle-même dans le parti des dévots au XVIIe siècle. Elle arrive presque à ses fins après la journée des barricades, qui chasse Henri III de Paris le 12 mai 1588, et l’instauration du Gouvernement des seize. Enfin après l’assassinat d’Henri III et la convocation des États généraux de la Ligue en 1593, elle veut éliminer Henri IV. C’est la satire de ces États qui constituent le centre de La Satire Ménippée.

  Qui du Duc de Mayenne ou de l’Infante d’Espagne, que les espagnols qui tiennent Paris voudraient voir sur le trône, va l’emporter ?

  Nous savons qu’Henri de Navarre, par ses victoires militaires insuffisantes, mais surtout par sa conversion au catholicisme en 1593, sera sacré Roi de France à Chartres. Le trône d’Henri IV n’a jamais été très assuré comme en témoignent les nombreux attentats contre sa personne. C’est dans ce contexte qu’est écrite La Satire. Elle est un écrit politique au service du Roi de France légitime. Très lue à l’époque, La Satire Ménippée a ainsi contribué à faire accepter Henri de Navarre comme Roi de France et à faire avancer la paix dans le Royaume. Il est très attristant qu’une oeuvre de cette qualité et de cette richesse soit un peu oubliée aujourd’hui

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À propos Vincens Hubac

est pasteur de l’Église protestante unie de France au Foyer de l’âme, à Paris. Il est engagé dans la diaconie et intéressé par le transhumanisme.

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