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Dieu, l’autorité, le couple

Notre expérience de l’autorité partagée au sein du couple peut-elle nourrir la compréhension de notre relation avec Dieu ?

Il s’est passé quelque chose dans le couple : autrefois, héritier des propos de Paul, le Code Civil disait (Code Civil, art. 213 ; 1942 – 1971) : « Le mari est le chef de la famille. Il exerce cette fonction dans l’intérêt commun du ménage et des enfants. » Ce texte est remplacé en 1971 par : « Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. » Aujourd’hui, les époux assurent ensemble la direction… Il s’est passé quelque chose avec Dieu. Dans nos liturgies, nous nous présentons encore souvent devant Lui comme des enfants désobéissants, mais Lui n’y est plus, ou si peu… si ça nous fait plaisir !

Ce mystère est grand

Dans les épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens (Éph 5,21 à 6,9 et Col 3,18 à 4,1), Paul présentait la relation entre l’époux et l’épouse en analogie avec la relation d’autorité qui lie le Christ et son Église. Il n’hésitait pas à lui conférer une dimension exemplaire : « Ce mystère est grand : moi, je déclare qu’il concerne le Christ et l’Église.» (Éph 5,32). Un mystère, en latin, c’est un sacrement (le mot grec musterion a été traduit en latin par sacramentum) C’est dire la valeur de l’exemple ! Dans le sacrement, quelque chose se dit, voire s’actualise, de ce que Dieu est ou fait pour nous. Un mystère, c’est un rite qui re-présente un mythe et nous en rend partie prenante. C’est par la médiation du mystère que se perpétuent l’ordre ou la dynamique originels dont le mythe raconte l’instauration.

Un mystère en recomposition

Mais que s’agit-il de perpétuer ? De tout temps et sous des formes diverses, l’accouplement de l’homme et de la femme fut interprété comme une actualisation des noces du ciel et de la terre. La perpétuation et la fécondité de l’ordre cosmique étaient censées en dépendre. Mais chez Paul, la scène où se joue le mystère n’est pas la sexualité, mais la relation d’autorité.

  L’autorité dans l’exercice du commandement et du pouvoir a longtemps été considérée comme une manifestation, en général virile, de la puissance de la divinité. D’un coté, la divinité impose sa domination, de l’autre l’humanité, pour son plus grand bénéfice, est invitée à consentir à la soumission.

  Sur l’arrière-fond de ces conceptions archaïques, Paul cherche manifestement à rééquilibrer la relation d’autorité dans le sens d’une plus grande réciprocité, particulièrement en matière de conjugalité.

Le mythe de l’autorité

  Le problème que nous avons avec l’autorité ne date ni des Lumières, ni de la Révolution française. Quand, pour sauver l’autorité, on la présente parfois comme « ce qui fait grandir » on prend rarement garde que le problème réside dans cette définition pourtant rigoureusement évangélique.

  Cette approche pédagogique et évolutive signifie certes que l’autorité participe du dynamisme créateur de Dieu, mais elle suppose aussi que le détenteur de l’autorité consente progressivement à s’effacer… ou à changer de place.

  C’est en ce sens que l’autorité est apte à actualiser le seul mythe dont Paul se revendique l’apôtre : « il a souffert sous Ponce Pilate, il a été crucifié, il est mort … le troisième jour il est ressuscité ».

  L’enjeu de ce mythe réside, par la médiation du Christ et de l’Église, dans l’instauration d’une relation au sein de laquelle l’humanité est appelée à grandir et à s’émanciper. Le mythe chrétien incarne le destin de l’autorité : Dieu meurt… ou bien il nous attend là où nous ne l’attendons pas encore.

Où en sommes-nous avec Dieu ?

Ce qui se perpétue et s’actualise au sein du mystère de l’autorité, ça n’est pas un ordre tyrannique, mais une dynamique émancipatrice dont les effets aboutissent à une redistribution progressive des rôles.

  Tumultueuse ou sereine, notre expérience de l’autorité partagée au sein du couple est un des lieux où nous pouvons méditer sur notre relation avec la divinité pour la concevoir autrement. Dieu y meurt… ou Dieu y change de place.

  La place où Dieu nous attend pourrait bien être celle du partenaire respectueux, lucide, exigeant et aimant, avec qui on veut construire, dont on attend les encouragements, dont on est capable d’entendre les critiques et devant lequel on peut sans humiliation reconnaître et corriger ses erreurs.

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À propos Richard Bennahmias

est docteur en théologie, pasteur émérite de l’Église protestante unie de France et de la PKN (Église protestante des Pays-Bas), actuellement en poste dans l’Église Wallonne de Leyde.

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