La nourriture est peut-être plus proche de la religion qu’on pourrait le penser. C’est en tout cas la conviction de Jean-Marie de Bourqueney.
J’admire les moines. Ils ont du temps ! Du temps pour faire ce qu’aucune autre personne ne ferait. Tenez, par exemple, voici quelques années, l’un d’entre eux a compté dans toute la Bible le nombre de récits de repas pour le comparer au nombre de récits… de prières ! Il en est arrivé à la conclusion suivante : il y a cinquante fois plus de récits de repas que de prière. Faut-il en tirer une conclusion radicale ? Faut-il manger cinquante fois plus qu’on ne prie ? D’ailleurs si l’on regarde les trois religions monothéistes, leurs coeurs se définissent dans un rapport à la nourriture : la cacherout (NDLR : règles alimentaires juives), la Cène, le Ramadan… En positif comme en négatif, la nourriture joue un rôle déterminant dans la pratique religieuse, d’ailleurs bien au-delà même des frontières de nos trois religions soeurs. Seul – semblet- il – le protestantisme (surtout libéral) échappe relativement à cette règle. Bien que les repas de paroisses et autres repas-conférences aient encore de l’avenir.
Allons plus loin… Pourquoi la nourriture est-elle si « religieuse » ? Je l’ai sans doute mieux compris en apprenant à faire la cuisine qui est devenue ma seconde passion ( après la théologie, cela va de soi… un peu de sérieux !). Parfois ce questionnement intérieur naquit d’une certaine frustration : préparer la cuisine pendant des heures, monter un plat avec une superbe présentation… qui s’effondre à peine arrivée sur la table ! Le plat, mon patient labeur, est mangé en un rien de temps… L’éphémère frustrant comme seule récompense ! Et pourtant… Les plaisirs de la table sont éminemment spirituels car ils sont un lien complice (une communion ?) entre les personnes. Le cuisinier se fait démiurge des relations et artisan de paix. Le plaisir ouvre à l’autre, il interdit la sinistrose. La spiritualité de l’angoisse solitaire devient spiritualité de la connivence humaine, où les mots peuvent alors nous ouvrir à un ailleurs, à une nouvelle création…
Et la parole s’est faite chair…
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