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« Seigneur, Seigneur… » De qui s’agit-il ?

 

Il y a de multiples façons de s’adresser à Dieu ou de désigner Jésus, le Christ, et ni l’un ni l’autre ne nous en voudra jamais de ne pas user de la bonne formule pour le faire. Il y a de même toute une variété de langages liturgiques qui souvent ne se ressemblent pas d’un dimanche à l’autre, ou d’un officiant à l’autre. Comment, pourtant, n’être pas surpris, voire un peu agacé, de l’usage que certains de ces derniers font du terme « Seigneur » dans leurs sermons ou dans les prières auxquelles ils proposent à l’assemblée de s’associer ? On ne sait plus au juste, à les entendre, s’ils parlent justement de Dieu ou du Christ, et la confusion se répète quand ils se conforment à l’habitude prise par les récentes versions « œcuméniques » de la Bible de restituer le nom « Jahvé » (les juifs ne le prononcent jamais) par « le Seigneur », quand nos anciennes traductions protestantes avaient de bonnes raisons de le restituer par « l’Éternel ».

En contexte protestant, ces manières de parler de Dieu et du Christ, ou de s’adresser à eux, ne datent à tout prendre que de deux ou trois siècles. Celles et ceux qui les reprennent à leur compte répondront n’y voir aucun inconvénient du moment que, pour eux, sommairement dit, Dieu et le Christ c’est tout pareil. C’est en tout cas ce qu’ils donnent à penser quand, à l’issue d’un culte, ils implorent sur l’assemblée la bénédiction de « Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit ». Mais ne leur en déplaise, cette formule ne se trouve justement pas dans les Écritures. Et quand ils adressent leurs prières au « Seigneur », comme s’il s’agissait de Jésus, comment oublier que ce dernier, à entendre les évangiles, ne nous a jamais invités à lui adresser nos prières à lui que les évangélistes appellent bel et bien « le Seigneur », mais expressément à « Notre Père » ?

Qu’on souscrive à la doctrine de la Trinité ou qu’on reste très réservé à son égard (c’est mon cas), les deux attitudes se retrouvent dans nos assemblées. On devrait en tenir compte et, dans le cas qui retient ici notre attention, éviter de répéter trop à la légère des manières de dire susceptibles de prêter à confusion et mettre inutilement mal à l’aise celles et ceux qui peinent à y souscrire.

Reste un problème plus fondamental : dans une société qui, comme la nôtre, est en mal de repères fondamentaux, les chrétiens, lors de leurs cultes ouverts à tous, ne doivent-ils pas s’adresser à Dieu en des termes clairs pour tout un chacun ? L’exigence de laïcité écarte Dieu de son horizon de préoccupation, raison de plus de bien gérer les tournures que nous utilisons en parlant publiquement de lui. La réflexion, si proche de la prière, devient alors l’un des aspects que revêt l’amour du prochain.

 

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À propos Bernard Reymond

né à Lausanne, a été pasteur à Paris (Oratoire), puis dans le canton de Vaud. Professeur honoraire (émérite) depuis 1998, il est particulièrement intéressé par la relation entre les arts et la religion.

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