Il s’agit d’une autobiographie en trois épisodes : l’enfance, l’inscription au parti communiste, la réception de ce que l’auteur nomme l’événement X en rapport avec l’Évangile. Le récit débute par le portrait du père. « Mon père m’a exprimé plus d’une fois cette valeur juive : reconnaître pour seul patrimoine un texte », insiste celui qui par la suite est devenu professeur de philosophie, auteur d’ouvrages littéraires et homme de théâtre.
Le jeune Guénoun devient communiste, « porté par l’ambiance intellectuelle des années 60 ». « J’étais convaincu que le marxisme dans ses fondements essentiels, disait la vérité de l’époque, permettait de la comprendre et de s’y engager » affirme l’auteur. Ses certitudes furent ébranlées par « l’entrée à Prague des troupes dites du pacte de Varsovie ». D’après l’écrivain : « la pensée de Marx demeure un outil pertinent pour penser la mondialisation, la financiarisation, la souveraineté », un repère pour aujourd’hui face au capitalisme qui « échoue à faire taire l’impératif de justice ».
Le propos convainc : « Aucune politique d’émancipation ne naît de la seule défense des intérêts. » Et « aucun soulèvement émancipateur ne peut se dispenser d’une énergie puissamment désintéressée. Toute critique du capital se nourrit de cet espoir d’en finir avec l’intérêt comme raison dernière de tout ». Le chapitre se finit sur ce constat : « Ce qui nous manque, c’est une visée transcendante, une légitimité sans conditions : une insurrection de l’esprit. »
La dernière partie intitulée « Troisième mouvement » invite le lecteur à considérer un « événement minuscule aux effets de séisme, qui ne cessent de se propager jusqu’à nous et n’ont pas fini de faire monter leurs vagues ». Ce que l’écrivain nomme l’événement X. « Cet événement a transformé, partiellement mais irrésistiblement, l’histoire humaine, par une mutation si étrange qu’on en voit mal l’inscription dans le devenir historique : l’accession de l’amour au rang de principe ontologique et transcendant. » La phrase peut sembler compliquée d’où l’invitation insistante à lire cette bouleversante troisième partie qui conduit à « une logique de l’excès qui supplante toute rétribution symétrique ».
Le livre se termine par une forte affirmation : « Quant à moi, ce que je tiens du judaïsme, comme transcendance de la loi, et du marxisme comme exorbitante possibilité de la justice, resteront des fariboles sans le commandement X de se laisser prendre par l’inconditionnalité d’une non violence absolue, et d’un amour sans mesure. »
Denis Guénoun, Trois soulèvements. Judaïsme, marxisme et la table mystique, Genève, Labor et Fides, 2017, 144 pages
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