Alain Arnoux
Depuis des années déjà, des centaines de milliers de personnes frappent aux portes de l’Europe, et cela s’amplifie et s’accélère. Cet afflux pose aux gouvernements et aux instances de l’Europe des problèmes extrêmement compliqués auxquels il est impossible de trouver, dans l’urgence, des solutions simples et satisfaisantes. Les idées simples qui s’opposent (en gros « Les refouler tous » et « Les accueillir tous ») naissent de réactions viscérales qui doivent être dépassées par la raison. Mais faute de dominer les problèmes, je vais me contenter d’idées simples, et d’abord celle-ci : On ne fait pas forcément de la bonne politique avec de bons sentiments, mais on en fait forcément de la mauvaise avec de mauvais sentiments.
Deuxième idée simple : Ce sont des êtres humains et il y a urgence. Quand des gens se noient par milliers, meurent étouffés dans des camions, s’empilent dans des campements insuffisants ou sur des quais de gare, la première urgence est d’organiser un accueil digne de ce nom. Ensuite on peut traiter les autres problèmes, par ordre de priorité.
Troisième idée simple : Ce qui leur arrive peut nous arriver, ou nous est arrivé, ou est arrivé à nos ancêtres. Depuis la préhistoire, des populations fuient devant la guerre, l’oppression ou la misère. Notre peuple s’est constitué comme cela. Les Européens ont peuplé le « nouveau monde » pour les mêmes raisons (mais on comprend que le souvenir de ce qu’ils ont fait aux peuples qu’ils y ont trouvés donne des craintes quand il s’agit d’accueillir). Au vingtième siècle, Arméniens, Italiens, Espagnols, Polonais et d’autres sont venus en France pour les mêmes raisons. Parlerons-nous des Huguenots qui ont fui la France ? Ou même du million de « Pieds noirs » fuyant l’Algérie en 1962 ? Et l’exode rural qui a vidé nos cantons est-il sans rapport avec cela ?
Quatrième idée simple : On nous dit de bien distinguer les réfugiés et les migrants. Les réfugiés fuient la persécution politique ou religieuse, la guerre et le massacre ; les migrants fuient la misère. Beaucoup de réfugiés sont aisés, dotés de diplômes ; beaucoup de migrants sans qualification… Certes ! Mais les uns comme les autres sont aussi courageux que désespérés. Pour partir en risquant sa vie, il faut du courage et de la débrouillardise, de la volonté et de la force d’âme. Ils ne viennent pas seulement demander assistance, ils viennent proposer à nos pays leur courage, leur force de travail, leur
force d’âme, et leurs qualifications (même ceux qui n’en ont pas : ils font les boulots dont nous ne voulons pas, même si nous n’en trouvons pas d’autre). Beaucoup espèrent retourner dans leur pays. À nos dirigeants de leur faciliter l’accès au travail, pour qu’ils ne soient pas des assistés. Dans un premier temps, on accueille et on assiste ; dans un deuxième temps, ils se débrouillent.
Cinquième idée simple : Abraham Lincoln a dit « Je plains l’homme qui ne ressent pas sur son dos les coups de fouet qu’un homme donne à un autre homme. » Quant à moi, je ne supporte pas de voir un type jeune et costaud, bien nourri et vêtu d’un uniforme, malmener une femme, un enfant, un vieillard ou un homme affolés, qui ne peuvent pas se défendre. Encore moins quand c’est au nom de notre civilisation européenne « chrétienne » et « des Lumières »… en mon nom donc.
Je plaide. Mais pourquoi plaider ? Il s’agit juste d’être logique avec ce que l’on pense, donc avec quelques idées simples et quelques impératifs catégoriques, où se retrouvent ceux qui lisent la Bible et ceux qui se réclament des Lumières (on peut d’ailleurs être les deux). Si, pour une raison ou une autre, on cherche à contourner ces principes, ceux de la solidarité entre humains, que l’on cesse de se dire chrétien ou de se réclamer de la culture chrétienne, car on déshonore le Christ. Ou que l’on cesse de se réclamer des Lumières. Le Christ a dit : « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Matthieu 25 / 40)
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