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Un dictateur condamné dans son propre pays

Efrain Rios Montt, ancien dictateur du Guatemala, est le premier dictateur d’Amérique latine à avoir été condamné pour génocide et crime contre l’humanité, par un tribunal de son propre pays, le 10 mai 2013.

  le Guatemala a jugé son ancien dictateur, le général Efraín Ríos Montt et l’a condamné pour génocide à 50 ans de prison, plus 30 ans pour crimes de guerre. Soulagement sinon joie, ce 10 mai dernier, pour les parties civiles, 14 ans après que la prix Nobel de la Paix, Rigoberta Menchù, a déposé plainte en 1999 contre le général. Une Commission spéciale avait déclaré cette même année que 78 % des crimes commis par l’État l’avaient été sous la dictature de Rios Montt. Et si la Cour suprême a annulé le procès pour vice de forme, quelques jours plus tard, il reprendra. La population indienne maya (plus de 50 % des habitants) victime de la politique de la terre brûlée au sens propre du terme, comme bien d’autres, attendent ce procès. C’est à ce prix que la société guatémaltèque sera réconciliée et pacifiée. La condamnation du dictateur a été saluée comme « une décision historique pour le Guatemala et pour tout le continent. Car c’est la première fois, relevaient les médias, qu’un ex-dictateur encore vivant est jugé par un tribunal national pour génocide et crimes contre l’humanité ». Le crime de « génocide » contre les Indiens mayas au Guatemala, est une notion juridique précise et avait toujours été jusqu’ici du ressort de la justice internationale. « Ce verdict est un des plus importants des annales des droits de l’homme, relève un conseiller juridique de l’ONG Human Rights Watch. Dans ce Guatemala où l’impunité pour des atrocités a été la règle, c’est une reconnaissance pour le courage et la ténacité des victimes, des défenseurs des droits de l’homme et des procureurs. Qui aurait pu penser qu’un dictateur omnipotent, soutenu par les États-Unis, serait envoyé en prison un jour pour des crimes contre des Indiens mayas privés de droits et marginalisés ? »

  Voilà qui devrait redonner courage à tous ceux qui luttent aux quatre coins de notre planète pour obtenir justice contre les puissants. Qui est ce général Efrain Rios Montt issu, comme plusieurs dictateurs latinoaméricains, d’un centre de formation militaire américain et arrivé au pouvoir en mars 1982 à la suite d’un coup d’État militaire discrètement appuyé par la CIA ? Certains soulignent « le laboratoire de la lutte contreinsurrectionnelle » qu’était devenu le Guatemala pour les États-Unis. « Les disparitions forcées, les escadrons de la mort et les campagnes de terre brûlée à l’encontre des populations indiennes accusées de soutenir la guérilla de gauche, en pleine guerre froide, sont expérimentés pour la première fois dans la région », commente un militant des droits de l’homme qui insiste sur l’importance du rôle de Washington dans la dérive violente des militaires en place.

  Le général Montt est aussi, c’est important, un converti du catholicisme devenu pasteur de la Iglesia Del Verbo (l’Église du Verbe), filiale de la Gospel Outreach, une Église évangélique californienne proche du télévangéliste de la droite religieuse américaine, Pat Robertson. La Iglesia Del Verbo prend une part active et directe au gouvernement entre 1982 et 1983 et lui « prodigue ses recommandations pour amener le Guatemala à un renouveau moral », selon un pasteur du groupe. Un certain nombre de leaders évangéliques feront leur entrée dans la sphèr e politique.

  L’appartenance religieuse du général Montt, connu au niveau international comme le « dictateur évangélique », a une grande influence sur sa manière de gouverner, lui qui se proclame venu au pouvoir par « la main de Dieu ». Il s’agira de chasser Satan du Guatemala, au nom de Jésus, au terme d’une « bataille spirituelle » entre Dieu et le Diable. « Dès lors, croyance religieuse et action politique sont intimement liées. Le gouvernement de Rios Montt est une remise en question totale de la sécularisation du pouvoir », constate Sylvie Pédron dans son livre Le pentecôtisme au Guatemala (CNRS éditions, 1998).

  Lorsqu’en 1983, l’armée guatémaltèque met fin au gouvernement de Rios Montt, les protestants ont gagné en influence dans le pays et l’implication des protestants dans la vie politique continue. L’élection de Jorge Serrano Elias, autre converti pentecôtiste, à la présidence de la République en 1991 en est l’illustration. Depuis, le Guatemala est devenu le pays le plus « protestant » d’Amérique latine. Ce continent vit aujourd’hui une mutation religieuse qui influence le processus politique, culturel et social. L’aventure Rios Montt en est le visage hideux ; la valorisation de l’individu, l’entraide qui pallie les carences de l’État, la gestion de la maladie, la promesse du salut sont une réponse positive à la quête de sens de l’homme latinoaméricain.

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À propos Claudine Castelnau

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