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Choisir le chef

Les débats télévisés des primaires, à droite comme à gauche, ressemblent à ces jeux qui abondent à l’écran : un animateur pose des questions à des candidats installés derrière des pupitres ; la pertinence de leurs réponses les départage. La politique met en place des dispositifs voisins de ceux du divertissement, même si la campagne électorale ne se limite pas à ces moments de spectacle.

Pour remplacer Judas parmi les Douze, après la mort de Jésus, les Disciples ont eu recours à un tirage au sort, procédure assez fréquente dans l’Antiquité et longtemps utilisée. On la considérait comme strictement égalitaire, on pensait qu’elle évitait la corruption et qu’elle exprimait les préférences divines. Aujourd’hui nous la trouvons absurde ; il n’est pas dit que dans quelques siècles on ne jugera pas arbitraire et ridicule la désignation du chef à partir de prestations télévisuelles.

Dans les monarchies, la naissance décide du souverain ; dans les dictatures, c’est la force dont il dispose ; aujourd’hui ce sont, au moins en partie, ses qualités télégéniques. Certaines Républiques confient le gouvernement à des assemblées. Aucun de ces systèmes n’est vraiment satisfaisant. Dans un pays, il faut bien quelqu’un qui décide et dirige, mais la manière de le choisir laisse toujours à désirer. Si les « chefs » avaient conscience d’être des « mal élus », à la désignation hasardeuse et contestable, peut-être resteraient-ils modestes et modérés dans leur exercice du pouvoir.

 

 

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À propos André Gounelle

est pasteur, professeur honoraire de l’Institut Protestant de Théologie (Montpellier), auteur de nombreux livres, collaborateur depuis 50 ans d’Évangile et liberté.

Un commentaire

  1. Sous son humour trompeur, le billet d’André Gounelle pose beaucoup plus de questions fondamentales qu’il n’y paraît pour la France d’aujourd’hui.
    Par son titre d’abord, « le chef ». L’article défini suppose réglées bien des questions quant à la nature du poste à pourvoir. Berger ou chef de guerre ? Chef d’orchestre ou chef de clan ? Leader charismatique ou roi fainéant ? Visionnaire anticipateur ou père consolateur ? Qui cherchons-nous ? Chef d’Etat évidemment, mais même si la Constitution balise le terrain, les pré requis diffèrent selon que l’histoire et les valeurs de l’Etat Nation doivent ou non primer sur l’idéal fédéral européen. Autant de préalables sur lesquels on aurait aimé que la « règle du jeu » commence par un alinéa sur les objectifs plutôt que de privilégier jusqu’au ridicule d’un chronométrage à la seconde les seules modalités pratiques du débat.
    Par la responsabilité de l’animateur ensuite. Le billet la banalise et, ce faisant, la minimise. Est-il si sûr que ce soit la pertinence des réponses qui départage ? N’est-ce pas plutôt la médiocrité de certaines questions, sur la neutralité de laquelle on devrait s’interroger? Dès lors qu’il ne pose pas à tous les candidats la même question, l’animateur détient en fait le pouvoir d’enliser sa victime dans un débat mineur et sans intérêt, la privant ainsi de développer, dans le temps imparti, ce qui fait son originalité ou la force de ses propositions. Certaines des émissions récentes en ont donné au moins le sentiment, sinon la preuve.
    La question du « tirage au sort » est passionnante car elle montre que nous sommes certainement bien plus proches qu’on ne le pense du temps de Judas, alors que l’effondrement de l’audimat, dès que le téléspectateur n’a pas l’espoir de voir, comme dans la primaire de la droite, un taureau « sortir » de l’arène le plus célèbre des toréadors, montre que le dépérissement de l’intérêt pour ces joutes cathodiques est d’ores et déjà acté et que la sanction ne demandera pas des siècles. L’irruption du tirage au sort dans notre environnement social est en effet attestée à travers la proposition de certains candidats de pimenter, par ce moyen, le Parlement de « simples citoyens » censés y être de plus honnêtes représentants que les élus, passés par le filtre des partis et supposés soumis à leur dépendance. Ailleurs, quand, pour entrer à l’université, « le gouvernement va graver dans le marbre le tirage au sort » (Le Monde des 15/16 janvier), le comble de l’absurde semble bien atteint nonobstant la référence aux « préférences divines », et confirme notre démission devant les difficultés de la recherche de solutions intelligentes.
    « Il faut bien quelqu’un qui décide et dirige ». Le dernier quinquennat nous a apporté la preuve d’un oubli mortifère : en démocratie, c’est au peuple que revient cette responsabilité. Le chef qu’il se choisit doit dès lors mettre en œuvre les décisions sur la base desquelles il a été mandaté et diriger « le char de l’Etat » dans le sens ainsi fixé. Ainsi, le « jeu » pourrait utilement reprendre sa place pédagogique, avec les « amendes pour excès de vitesse » ou les « pannes d’essence » et autres « crevaisons » du 1000 bornes, le « retour à la case départ » ou le « allez à la case prison et laissez passer trois tours » en vigueur sur bien d’autres circuits ludiques.
    Finalement, en ramenant, comme le montre si bien André Gounelle, la désignation du chef à un jeu, ne met-on pas utilement l’accent sur la plaie qui ronge notre époque, celle d’un choix sournois en faveur du superficiel contre l’argumenté, du spectacle contre l’intelligence ? Depuis qu’on sélectionne les futurs médecins sur la base d’un QCM, il n’est pas rare que, arrivant plus tard devant un malade, certains des plus brillants disent « Quoi ? C’est ça un malade ? Mais c’est dégoûtant ! » Sommes-nous si sûrs que la vie politique ne dévale pas cette même pente ?

    18-01-2017 Jacques GUIN

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