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Pâques : une énigme Luc 24,22-24

« 22 Toutefois, quelques femmes qui sont des nôtres nous ont bouleversés : s’étant rendues de grand matin au tombeau 23 et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire qu’elles ont même eu la vision d’anges qui le déclarent vivant. 24 Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ce qu’ils ont trouvé était conforme à ce que les femmes avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. »

 

Ainsi discutaient deux compagnons, harassés de tristesse, sur la route d’Emmaüs, avec un troisième homme qu’ils n’avaient pas encore reconnu… Suivent des explications de la part de l’inconnu qui chemine avec eux, mais sans succès. Il leur faudra attendre une certaine auberge, et un peu de pain partagé pour que leurs yeux s’ouvrent pour de bon.

On pourra passer autant de temps qu’il faudra à étudier les textes bibliques dans les moindres détails, en mettant à profit les meilleures exégèses du monde, on pourra même entendre les prédications les plus brillantes, des plus traditionnelles aux plus innovantes, la résurrection restera toujours quelque chose de l’ordre de l’inattendu, parce qu’elle n’est pas de l’ordre du savoir acquis, mais de la rencontre qui met en mouvement.

Les femmes au tombeau sont présentes dans les quatre Évangiles, qui nous offrent quatre récits apparemment convergents dans les grandes lignes, mais dans le fond, très différents. Ce sont quatre témoignages, qui disent comment, d’abord pour chacune des femmes, puis pour chacun des disciples, la résurrection du Christ est bel et bien de l’ordre de la rencontre personnelle, et non de l’affirmation doctrinale. Tout simplement parce que la résurrection ne se prouve pas.

Les disciples d’Emmaüs racontent que les femmes ont découvert un tombeau vidé de son occupant. Au plus profond de leur tristesse et de leur désespoir, ces femmes, pourtant rencontrées et rassurées par la présence de Celui qui ne les a jamais quittées, ne sont pas crues (Lc). Chacun y va de sa vérification personnelle, volontaire, comme Pierre, mais il reste dans le doute car il n’a pas encore compris que désormais, il n’est plus seul, (Luc 24,12) ; confiante, comme l’autre disciple qui court, voit et croit, (Jn 20,8) ; décidée, comme Thomas qui ne croira que sur preuve, (Jn 20,24-29) ; ou énigmatique, comme les deux disciples retenant à l’auberge d’Emmaüs cet inconnu à dîner, qui disparaît au moment où ils viennent de le reconnaître ! (Lc 24,13-35).

Pâque est une énigme, car la Parole, se frayant difficilement un chemin autrefois, est accueillie maintenant dans une plénitude libératrice. Chacun s’imprègne de l’enseignement et des gestes de Jésus. Chacun fait personnellement la rencontre du Ressuscité, occasion d’un départ inattendu, libérant d’un passé qui retenait prisonnier. Les femmes comme les disciples sont propulsés dans une dynamique toute neuve. Ils font leurs premiers pas de croyants, dans une intime conviction sans égale. Ils ne prouvent rien. Ils disent seulement comment la joie de la vie a remplacé définitivement la tristesse du deuil et le chagrin de la mort. Ils témoignent de ce qu’ils ont compris et reçu de Jésus tel que cela nous est présenté dans les Évangiles, écrits sur leur seul témoignage, puisque Jésus n’a rédigé aucun texte.

La résurrection s’annonce, se dit, s’interprète. Cette proclamation interroge, et rend chaque personne attentive à une Parole, qui a été écrite par des témoins, qui eux-mêmes la tenaient déjà de quelqu’un d’autre. C’est une parole toujours ouverte, qui nous renvoie aux Évangiles, comme la source authentique de l’amour que Jésus a donné, du pardon qu’il a offert, de la liberté qu’il a fait naître, de la vie qu’il a révélée et de la nouvelle relation à Dieu qu’il est venu inaugurer.

Le Dieu que nous fêtons à Pâques nous invite à arrêter de scruter le passé pour, à notre tour, faire les premiers pas dans la confiance, en gardant notre cœur ouvert sur l’espérance. La résurrection, c’est une succession de rencontres avec le Christ vivant, dont les témoignages à travers le monde sont multiples et multicolores. C’est un mouvement qui se continue et se recommence tous les jours et qui nous invite à croire, à penser, à critiquer en toute liberté.

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À propos Agnès Adeline

est pasteure de l’Église protestante unie de France à Paris (Oratoire), et aumônier à la Maison d’arrêt de Paris la Santé

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