Avec les attentats de Charlie Hebdo et ceux du 13 novembre 2015 à Paris, la question de la religion dans l’espace public est revenue au premier plan.
Dans un pays où la laïcité est inscrite dans la Constitution, comment vivre ensemble en respectant nos libertés fondamentales et notamment la liberté de vivre et de pratiquer sa foi sans l’imposer et sans créer du conflit ou du communautarisme ?
Cette question et le contexte dans lequel nous vivons aujourd’hui sont à la base de cette formation unique : « Emouna, l’amphi des religions1 »
Une formation nouvelle
Depuis septembre 2016 une trentaine d’étudiants se retrouvent deux lundis par mois. Ces étudiants sont un peu particuliers, il s’agit de prêtres, de rabbins, de pasteurs, d’imams, de bouddhistes, de laïcs engagés dans leur communauté et même de hauts fonctionnaires.
Les objectifs sont multiples. Tout d’abord il s’agit de maîtriser l’environnement politique et institutionnel français qui entoure la pratique religieuse, d’avoir une meilleure connaissance mutuelle des différentes traditions mais aussi, et c’est peut-être le plus important, de mettre en relations ces acteurs de la vie religieuse et publique.
Séances après séances, découvrant les rouages de la loi 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, le principe de protection sociale, mais aussi en approfondissant la réflexion sur les rapports entre culture, philosophie, sciences, éducation et le monde religieux, des amitiés sont nées, des projets, tels des rêves, germent dans les têtes, et la fraternité retrouve tout son sens.
Une Grande École pour cette formation
La nouveauté de cette formation (validée par un certificat) vient du fait que c’est Sciences Po qui la dispense (avec le soutien de différentes religions de France2). Ainsi il ne s’agit pas simplement d’un échange entre des théologies, mais bel et bien d’une réflexion commune sur le vivre ensemble et la place des religions dans la République. La neutralité de cette grande école permet à chacun.e d’apporter et de recevoir dans ce cadre commun qu’est la Laïcité. Afin de mieux découvrir les différentes traditions, Sciences Po organise chaque rencontre dans des lieux différents. Ainsi après avoir découvert les lieux de cette grande école, l’ensemble de la promotion s’est réuni à l’Institut protestant de théologie, dans les grandes mosquées d’Évry et de Paris, au centre Maayan (communauté juive libérale), au collège des Bernardins ou encore dans une école de l’Alliance israélite universelle. D’autres lieux sont encore prévus ouvrant toujours plus la compréhension de la religion de l’autre.
Retrouver le sens de la laïcité
La question de la laïcité est plus que jamais présente dans les débats, aussi bien sur la scène publique qu’au sein des religions.
En fait, le débat tourne autour de deux conceptions de ce principe républicain. Soit on veut une laïcité ouverte soit une laïcité fermée, et il semble qu’aujourd’hui ce soit cette dernière conception qui l’emporte. Avec « Emouna, l’amphi des religions », on souhaite montrer que l’ouverture et le vivre ensemble sont possibles, qu’il n’y a pas un combat entre les religions d’un côté et la République de l’autre. Que tous ensemble nous faisons société et qu’au-delà de nos différences et de nos croyances ou non-croyances, nous pouvons avancer ensemble.
Peut-être qu’Emouna c’est l’expérience de la redécouverte de l’idéal laïc d’un Buisson et de bien d’autres pères de la laïcité, non pas une négation, mais une ouverture, un respect et surtout une garantie de la Liberté où chacun.e œuvre pour « l’Idéal du Bien ».
Nous réalisons peut-être avec cette formation ce vœu de Gabriel Séailles (1852-1923) qui dit comme une devise : « Il faut que l’on puisse être athée, sans être traité de scélérat, et croire en Dieu, sans être traité d’imbécile. »
1. Emouna, amen et amana sont des mots issus d’une même racine, commune à différentes traditions spirituelles. Ils signifient la confiance, la loyauté, la spiritualité, l’adhésion, l’engagement par des actes.
2. Grand rabbinat de France, Conseil des rabbins libéraux, Conférence des évêques de France, Fédération protestante de France, Assemblée des évêques orthodoxes de France, Conseil français du culte musulman et l’Union bouddhiste de France.
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