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la solidarité

 

Lorsqu’on me parle de libéralisme théologique, le premier reproche est celui d’être trop optimiste quant à l’humain ou la situation du monde actuel. Quand il n’est pas considéré comme un simple humanisme, il est traité d’irréaliste, de doux (fou) rêve ignorant la rudesse de la réalité. Il ne serait que l’expression d’une utopie.

Et pourquoi pas ? Ne faut-il pas rêver pour voir demain une partie de la réalisation ?

Félix Pécaut disait de l’artiste que « c’est celui qui voit à travers la nature et à travers toutes les œuvres de tous les temps un idéal invisible qu’il n’atteindra jamais mais qu’il poursuit toujours. » Et dans le domaine de l’action éthique : « l’homme de devoir et de dévouement n’est pas celui qui exécute une tâche à remplir, qui observe une consigne et qui reste content de lui une fois fait. Non c’est celui qui est épris d’idéal. C’est celui dont la conscience est attirée par le Bien. Avec la même force que le Beau attire l’imagination de l’artiste et le Vrai la raison du penseur. »

Il ne s’agit nullement de nier le réel ou pire de détourner son regard pour ne pas le voir et dire qu’il n’existe pas. Tout au contraire, il faut affronter du regard les situations les plus misérables, reconnaître et nommer les véritables fléaux sociaux qui ruinent ou défigurent l’humanité, et espérer encore et toujours en l’humain, en ses capacités de progresser en humanité, sans culpabilité mais avec lucidité.

Lors du congrès de la paix et de la liberté, à Lausanne en 1869, Ferdinand Buisson déclarait : « Je ne suis pas de ceux qui croient que penser l’avenir c’est se livrer à une utopie. Se transporter d’avance dans un avenir même lointain, c’est déjà marcher vers cet avenir, il faut avoir rêvé longtemps à l’idéal pour pouvoir le réaliser un jour. »

En matière d’action sociale ou de solidarité, et en échos avec cette dernière parole, nous pouvons reprendre les mots de Paul Tillich qui, me semble-t-il, regarde les choses avec un œil libéral :

« Il est plus conforme à l’esprit de l’amour d’extirper le mal lui-même que de vouloir atténuer, par des demi-mesures, les souffrances qu’il ne cesse de susciter. Il vaut mieux supprimer les conditions qui rendent nécessaire l’aumône, que de soulager la pauvreté par des aumônes ; il vaut mieux anéantir les fondements de la misère économique, que de sauver du pire, par les œuvres de l’amour chrétien ou une législation sociale, ceux qui sont tombés dans la misère : il vaut mieux faire cesser la possibilité de l’égoïsme économique que de le restreindre en légiférant sur la protection du travail ou en faisant appel au devoir patriarcal d’assistance. Il vaut mieux détruire la source de la guerre en menant une lutte impitoyable contre l’égoïsme national, grâce à une organisation juridique internationale, plutôt que de soulager par des œuvres d’amour les blessures de la guerre. Si pour le présent et sans doute pour assez longtemps encore, l’assistance et la législation sociale sont indispensables, il reste que l’idéal de les rendre superflues doit être reconnu même par ceux qui le considèrent comme irréalisable. Quant à l’Église, elle doit faire sien cet idéal et en réclamer la réalisation au nom de l’amour chrétien. »

Porter un œil libéral sur la solidarité, c’est faire le pari de l’optimisme et c’est regarder du regard du rêveur. Avec Oscar Wilde je dirais : « Oui : je suis un rêveur. Car un rêveur est celui qui ne trouve son chemin qu’au clair de lune, et qui, comme punition, aperçoit l’aurore avant les autres hommes. »

 

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À propos Christophe Cousinié

Certifié de Sciences Po Paris dans la formation « Emouna, l’amphi des religions», Christophe Cousinié est pasteur de l’Eglise protestante à la Réunion.

Un commentaire

  1. cedric.blandin@gmail.com'

    Bonjour,

    J’aime beaucoup votre citation de Tillich. De quel ouvrage est-elle issue ?

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