Brian Albert Gerrish est un théologien anglophone né à Londres en 1931. Il est devenu pasteur aux États-Unis à la fin des années 1950, puis professeur d’histoire de la théologie. Il a principalement enseigné à l’Université de Chicago. C’est un grand spécialiste de Jean Calvin et de Friedrich Daniel Ernst Schleiermacher, son théologien fétiche, à qui il a consacré un livre. Sa dogmatique, publiée en 2015, et qui a pour titre Christian Faith. Dogmatics in Outline, est un ouvrage passionnant, au sein duquel il aborde ce qu’il nomme la « foi élémentaire ».
Foi élémentaire et foi chrétienne
La dogmatique est l’une des quatre branches de la théologie (avec les sciences bibliques, la théologie pratique et l’histoire), dont le sujet est, d’après Gerrish, « la manière chrétienne d’avoir la foi ». Pour lui, il y a une foi « élémentaire », qui n’est pas propre au christianisme, mais que le christianisme confirme et précise. La foi chrétienne s’appuie sur cette foi élémentaire, qui n’est pas la croyance sans preuve, mais le mouvement de confiance de l’homme vers l’extérieur, qui ancre au plus profond de lui la conviction que le monde dans lequel il vit et son existence même peuvent être intelligibles. Sans cette foi élémentaire, l’existence serait chaos et ne pourrait être menée telle qu’elle l’est dans la réalité. Si l’homme se plonge dans la recherche scientifique, c’est qu’il a l’assurance qu’il y a des règles dans ce monde et qu’il peut les comprendre. Si l’homme est capable d’avoir des relations apaisées avec d’autres hommes, c’est qu’il sait que la relation n’est pas à reconstruire depuis ses fondements chaque matin. Le fait que, aujourd’hui, ce à quoi l’homme a travaillé hier a encore de la valeur est une preuve de sa foi élémentaire. Gerrish dit reconnaître dans cette foi élémentaire ce que la théologie chrétienne associe au logos : l’ordre, le sens, la compréhensibilité. La foi élémentaire peut être traduite en termes religieux (c’est la foi religieuse), grâce à un langage nécessairement métaphorique, et la foi chrétienne est la manière spécifiquement chrétienne de rendre compte du monde. Par la métaphore, elle donne une représentation de la foi élémentaire : la confiance dans la relation filiale au Dieu père de Jésus-Christ.
La dogmatique évolue
Dans sa dogmatique, Gerrish consacre de nombreuses pages, dans chaque chapitre, à l’histoire de la compréhension de l’item qu’il traite. Ces pages sont très instructives et permettent de dégager des lignées de pensée. On constate bien que la dogmatique évolue au gré des siècles en fonction des contextes, tout en restant fidèle à ce qui est reconnu comme crucial (Dieu créateur, Dieu père, caractère unique du Christ, etc.). Gerrish propose une théologie que l’on peut qualifier de plurielle : il a recours à différentes pensées pour développer la sienne. Il fait plusieurs fois référence à la théologie du Process, à laquelle il reconnaît d’avoir fourni, pour l’heure, la meilleure réponse à la question du lien entre activité divine et activité humaine, mais il n’est pas un théologien du Process, puisqu’il ne fait que sélectionner dans cette théologie ce qui lui semble pertinent.
Ce qui est également remarquable dans sa dogmatique, c’est la manière dont il traite la question du lien entre Jésus historique et Christ de la foi. En affirmant que « la sécurité de la foi repose non sur ce que les historiens peuvent reconstruire derrière l’image du Christ du Nouveau Testament, mais sur l’image elle-même », il donne à la foi toute sa dimension de foi, et à l’Évangile toute sa puissance, non tributaire de l’histoire, insoumise.
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