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Le diable existe-t-il ?

 

Non, il n’existe pas. Pourquoi ? Parce que – s’il existait – j’aurais deux dieux. Le christianisme, comme le judaïsme et l’islam, se veut avec raison un monothéisme. S’il y a un seul dieu, il faut se battre pour essayer de faire coexister Dieu et le mal. Postuler l’existence du diable comme anti-dieu est trop facile : cela semble nous éviter de nous demander pourquoi Dieu tolère le mal. Mais assez rapidement cela pose davantage de problèmes que cela n’en résout. S’il existe un principe du bien et un principe du mal, je suis le champ de bataille entre ces deux puissances et, comme le combat dure depuis bien longtemps, il a de fortes chances de durer toute ma vie. Je n’ai donc aucune espérance de pouvoir vivre ma vie en plénitude aussi longtemps que l’un des deux adversaires n’aura pas été vaincu. Si le diable existe, ma vie est désespérée.

Comment alors concilier l’existence de Dieu et celle du mal en se passant du Satan, du diable, de Belzébuth et de tous les autres démons ? Repartons des textes qui nous présentent la tentation de Jésus au désert (Matthieu 4-11,1 et Luc 4,1-13). Jésus y est tenté à trois reprises de désespérer de Dieu. Souvent nous sommes aussi tentés de désespérer de Dieu. C’est en particulier le cas quand nous sommes confrontés au mal. Nous nous demandons pourquoi Dieu permet de telles choses. Je n’en sais rien et je défie quiconque de le savoir car nous ne sommes pas en train de considérer à distance le jeu que Dieu jouerait avec les humains et nous ne sommes pas davantage dans la tête de Dieu. Nous sommes des êtres limités et embarqués dans leur relation à Dieu.

Nous ne pouvons humblement nous demander qu’une seule chose : « Est-ce que Dieu, à l’occasion de ce mal qui me tombe dessus, peut me dire quelque chose de positif ? » Je ne sais donc pas si Dieu permet le mal, mais je sais qu’il est un Dieu qui me parle et, qu’en toute occasion, il peut me parler pour rendre ma vie plénière.

Que peut-il alors vouloir me dire ? Deux choses, selon que je suis croyant ou ne le suis pas. Aux croyants Abraham et Job, Dieu dit que c’est là un bon test susceptible de fortifier leur foi (Genèse 22, Job 1). Aux impies que sont par contre les Israélites lorsqu’ils croient pouvoir se passer de Dieu, celui-ci déclare que l’épreuve qu’ils rencontrent est une bonne occasion pour se remettre devant Dieu, pour faire le point et pour changer de direction (ex. : Juges 2,20-3,6). Le mal n’est donc en aucun cas une punition. Le Dieu de Jésus ne punit pas mais guide, pardonne, accompagne, rabroue… Tout cela il le fait pour nous aider à résister au mal, à la mort et à ce qui nous sépare de lui (le péché). C’est là le sens de notre vie. C’est là l’accomplissement de ce pour quoi nous existons.

Nous n’avons pas besoin du diable pour comprendre notre vie entre Dieu et le mal qui nous tombe dessus. Du reste les auteurs du Nouveau Testament, et plus encore ceux de l’Ancien, ont été très parcimonieux dans leur usage du Satan ou du diable. Eux non plus n’en avaient pas plus besoin qu’il ne faut. Et comme nous ne nous autorisons pas à terroriser notre auditoire, mais désirons l’édifier, il vaut mieux dire autrement qu’en des représentations mythologiques, ce que les auteurs bibliques ont voulu dire lorsqu’ils ont utilisé ces figures qui sont des manières de parler de la tentation de désespérer de Dieu.

 Pour aller plus loin : Jean-Denis Kraege, Le procès du Diable, Genève, Labor et Fides, 1996

 Jean-Denis Kraege, Ne nous soumets pas à la tentation, Bière, éditions Cabédita, 2016

 

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À propos Jean-Denis Kraege

a été pasteur dans l’Église évangélique réformée du canton de Vaud. Il a occasionnellement enseigné dans plusieurs universités et consacre sa retraite à l’écriture. Il a fait paraître Espérer contre toute espérance aux éditions Van Dieren en 2016.

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