Ce matin, à la station « St Georges » de la ligne 12 du métro parisien, je médite le texte du jour sur la folie de la proclamation de Dieu qui sauve de la sagesse des hommes (1 Co 1, 17-25). Trois étudiants viennent se mettre debout face à moi et j’assiste alors à une chorégraphie fascinante : écouteurs vissés dans les deux oreilles, ils dialoguent… au moyen de l’application de messagerie instantanée Snapchat. Ces jeunes adultes font ainsi deux choses à la fois à moins de 20 cm de distance. Le ballet d’expressions qui se succèdent (mimiques, sourires, haussements d’épaules) me donne l’impression d’assister à un dialogue muet. Deux stations plus loin, ma voisine interpelle son compagnon à propos d’une photo échangée entre eux, mais même en ayant diminué le volume de leurs écouteurs, difficile de s’entendre… Ils commencent ainsi à échanger une ribambelle de « qu’est-ce que tu dis ? », « comment ? », « pardon ? », « parle plus fort », dans un dialogue frénétique sur la mode et les « fringues », sans bien se comprendre visiblement.
Je n’ai pu m’empêcher de sourire. Voici toute la sagesse du monde actuel : on écoute son vis-à-vis avec une musique dans les oreilles tout en essayant désespérément de se comprendre ! Une caricature de l’écoute contemporaine : regarder la télévision tout en surfant sur son ordinateur, ou encore faire défiler les « news » sur nos écrans tout en écoutant enfants ou conjoint raconter leur journée. Vous vous reconnaissez ? Moi oui ! Écouter aujourd’hui, c’est faire deux choses à la fois, minimum. Cela interroge nos pratiques et la signification du mot « écoute » qui s’apparente semble-t-il de moins en moins à « entendre ».
À la station « Rennes », j’ai vu la folie de Dieu se matérialiser et dompter nos sagesses humaines : en sortant du métro, les trois étudiants ont ôté leurs écouteurs pour se parler de vive voix et s’entendre. Un miracle ! Une action de saint Georges à retardement ? J’ai souri intérieurement en me disant que ce dialogue de fou auquel je venais d’assister valait toutes les sagesses du monde : entendre c’est peut-être simplement enlever nos bouchons d’oreille et écouter vraiment l’autre
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