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Un dispositif expérimental concluant auprès des auteurs de violences conjugales

 

Implantée sur le bassin alésien dans le Gard, l’association La Clède a fait de l’insertion et des situations d’urgence son défi quotidien. Cette structure s’engage en effet contre toutes les exclusions par l’accueil, l’accompagnement et l’insertion sociale et professionnelle.

Elle reçoit et accompagne régulièrement chaque année près de 4 000 personnes dont environ 1 000 sont hébergées.

L’histoire de cette association remonte à 1978 et ses premières pages ont été écrites par un pasteur, Pierre Verseils. Aumônier protestant de la prison d’Alès, il partage les confidences des personnes internées. Il est alors frappé par la précarité des détenus sortant de prison qui, sans ressources et sans logement, sont presque condamnés à récidiver pour survivre. Avec Mme Fischer, assistante sociale qui visite cette même prison, la création d’un centre d’accueil pour les détenus libérés devient une évidence. Le 1er novembre 1979, l’établissement, d’une capacité d’accueil de 11 lits, ouvre ses portes à Alès. Le pasteur Verseils décide de l’appeler La Clède en référence à sa culture cévenole (une clède étant une petite bâtisse servant à sécher les châtaignes). En juin 1990, cette prison, dont la population carcérale est exclusivement masculine, ferme ses portes. La Clède étend alors ses activités pour répondre plus largement à toutes les personnes en situation de précarité et commence ainsi à accueillir des femmes. En 1995, l’association crée une permanence d’écoute auprès des femmes victimes de violences sur le bassin alésien et installe, dix ans plus tard, de nouvelles permanences sur le nord du département.

Si La Clède a diversifié et développé ses services, c’est qu’elle n’a eu de cesse de renforcer ses réponses aux besoins sociaux et de s’adapter à l’évolution des phénomènes de précarité, d’exclusion et de violences conjugales.

Aujourd’hui, l’association gère 8 établissements pour recevoir les personnes en danger ou en situation d’exclusion sociale dont un Centre d’hébergement et de réinsertion sociale réservé aux femmes victimes de violences qui accueille chaque année plus de 200 femmes et enfants.

Forte de près de 25 ans d’expérience dans l’accompagnement des femmes victimes de violences, l’association a engagé en 2018 une réflexion complémentaire autour de la prise en charge des auteurs de violences avec l’objectif de mettre en place des stages de responsabilisation. Interrogé sur ce dispositif innovant, Nicolas Ferran, Directeur de La Clède, souligne que « l’association a refusé le modèle de stages, présents sur d’autres territoires, pouvant s’apparenter à des dispositifs de « récupération de points ». Elle a fait le choix d’un processus approfondi pour placer l’humain au cœur de la justice. En proposant deux entretiens individuels et cinq séances collectives, il s’agit de lever le déni des faits avec une prise de conscience et une reconnaissance de la responsabilité des violences exercées. L’objectif est d’amener une réelle évolution dans le comportement relationnel et un changement chez l’auteur des violences ». Un an de travaux de conception, de réflexion et de rencontres avec les partenaires aura été nécessaire pour lancer l’expérimentation. C’est donc fin 2019, avec l’ouverture des premiers entretiens individuels que le projet émerge pour se concrétiser l’année suivante avec l’organisation de trois stages. La Clède signe alors une convention avec le parquet de Nîmes pour le déploiement du dispositif en 2021 (année encore impactée par la crise sanitaire) dont le bilan chiffré démontrera un besoin criant : 87 personnes ont été orientées vers les 9 stages organisés sur Nîmes et Alès. 122 séances individuelles et 45 séances collectives ont été réalisées.

Ces stages, animés par des psychologues et des travailleurs sociaux, s’adressent aux auteurs de violences conjugales ayant fait l’objet d’un dépôt de plainte à leur encontre, aux personnes ayant commis ou suspectées d’avoir commis des violences au sein du couple, aux personnes placées sous contrôle judiciaire ou orientées dans le cadre d’une mesure alternative aux poursuites ou encore aux personnes volontaires. Ce qui n’était au départ qu’une expérimentation est aujourd’hui un dispositif reconnu et identifié par les Tribunaux judiciaires de Nîmes et d’Alès et le Service pénitentiaire d’insertion et de probation comme une réponse possible dans le processus de réhabilitation des auteurs de violences.

Même si les acteurs locaux reconnaissent la qualité du dispositif et que le bilan quantitatif est très positif, la structure alésienne souhaite, en bénéficiant aujourd’hui d’un peu plus de recul temporel, renforcer son évaluation sur le plan qualitatif pour identifier les effets réels des stages contre la récidive, cibler davantage les interventions et adapter le contenu des séances aux différents profils d’auteurs de violences.

Le Directeur Nicolas Ferran estime que les associations, avec leur capacité à proposer et à innover, doivent être des laboratoires. Par leur engagement, elles sont effectivement souvent à l’origine de grandes avancées.

Avec la mise en place de ces stages, La Clède a joué parfaitement ce rôle d’association laboratoire. Mais pour transformer cette expérience, dont le coût annuel s’élève à 70 000 euros, en dispositif pérenne, l’étape suivante serait alors de trouver un appui plus important auprès des pouvoirs publics dont les financements restent encore limités.

 

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À propos Isabelle Fardoux-Jouve

est journaliste indépendante. Actuellement élue conseillère départementale dans le Gard. Déléguée à la lutte contre les discriminations et à la promotion de la laïcité et de l'égalité entre les femmes et les hommes

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