Nombreux sont celles et ceux qui poussent la porte de l’Oratoire du Louvre pour la première fois, chaque semaine. Sans doute s’agit-il pour certains d’assouvir une simple curiosité. Mais d’autres arrivent ici après un long périple et une recherche spirituelle qui force l’admiration. Parfois pendant plusieurs années, ces personnes sont allé(e)s assister à des cultes dans de multiples lieux d’églises, constatant la multiplicité des expressions de foi et découvrant parfois les dérives de certaines pratiques individuelles et collectives. Il arrive aussi que le périple soit numérique et que ce soit sur les sites et les podcasts que ces chercheurs fassent leur « grand tour » initiatique. D’autres enfin, viennent accompagner des proches dans une cérémonie et se rendent compte de la singularité de ce qui se dit, dans ce lieu à la fois austère par son architecture et agréable par son accueil.
Il ne s’agit pas ici de comparer les vertus des églises entre elles, mais de comprendre qui sont ces chercheurs de vie spirituelle et pourquoi la théologie libérale devient leur maison, leur lieu de pensée, leur langue de conviction et de doute.
La recherche qui est celle de ces pèlerins commence souvent par une foi en quelque chose de plus grand qu’eux qu’ils appellent tantôt « Dieu », tantôt « transcendance », tantôt un « Jésus ». Cette foi dans l’existence de ce qui nous dépasse et donne du sens à nos vies est déjà là depuis longtemps souvent mais les exemples de vie « religieuse » qu’ils ont sous les yeux ne les attirent pas à cause de la forme toujours contrainte qui les définit. La religion ressemble plus à un « lit de Procuste » qu’à une auberge espagnole. Souvent, la communauté qui accueille ces voyageurs coupe chez eux tout ce qui dépasse le cadre des dogmes et de la tradition, pour les rendre conformes.
C’est là toute la différence entre l’institution qui accueille la foi et celle qui la dicte. Celle qui sait où est l’église et celle qui la découvre.
Celles et ceux qui arrivent ont souvent été déçus, exclus, voire maltraités par les institutions religieuses pour des raisons qui n’ont pas grand-chose à voir avec la foi : les aléas de la vie aussi simples qu’un divorce, les décisions de vie aussi légitimes et intimes que celle de ne pas avoir d’enfant, les plus belles choses comme être amoureux d’une personne considérée comme trop différente parce qu’elle n’a pas la même religion, la même origine ou au contraire considérée comme trop semblable dans une relation homosexuelle. D’autres situations sont plus tragiques, le souvenir d’un refus d’obsèques pour un enfant décédé à la naissance sans avoir été baptisé, une difficulté à obtenir un culte de consolation pour le décès d’un enfant né par GPA. Les ombres d’un parcours de « rééducation » pour soidisant : « soigner une homosexualité ». En bref, les religions sont souvent très inventives pour rappeler aux chercheurs du Dieu qui libère, qu’ils ne sont libres de rien et surtout fautifs d’être ce qu’ils sont.
La devise d’une grande enseigne américaine : « venez comme vous êtes » devrait être sur tous les frontons de nos églises puisque c’est ce qui est raconté à longueur de page dans nos bibles. Si Dieu est pour nous qui sera contre nous ? comme le disent les Écritures, l’homme ne vit pas pour se conformer à une doctrine. C’est grâce à cet accueil de ce qu’ils sont véritablement, que ces chercheurs d’amour du prochain restent dans notre église. Cela ne veut pas dire que cet amour soit toujours facile à vivre, mais au moins, il est le principe qui préside à l’inclusion de toutes et tous dans notre communauté. C’est ce libéralisme qui fait dire à ces personnes qu’elles sentent qu’elles sont arrivées chez elles, enfin.
Alors, me direz-vous, cela veut-il dire que les églises de théologie libérale n’annoncent rien de plus que le programme terrible et creux de certains politiciens : « vos idées sont les nôtres » et que la communauté ainsi constituée se dissout dans la multitude des parcours individuels ?
Bien sûr que non. Cela veut dire que cet accueil de tous les parcours de vie sans jugement de valeur nécessite d’être pensé. Que proposons-nous ? Une déconstruction des dogmes qui contribuent, ailleurs, à dire qui est conforme et qui ne l’est pas ? Sans doute, mais déconstruire ne suffit pas si l’on ne propose rien. Si les relations dans la multitude restent impensées, alors chacun campe sur sa vision du monde et de l’autre et il n’y a aucune raison que nous arrivions à aimer notre prochain mieux que les tenants des dogmes affirment le faire. Le libéralisme n’est pas un atomisme ou un individualisme, sinon, il n’est pas chrétien au sens noble du terme. La théologie libérale offre au chercheur la méthode d’un questionnement de la foi qui réconcilie les différents secteurs de la vie du croyant. Sans opposer le monde à l’église, sans opposer le religieux au profane, sans reléguer du côté du sacré les textes qui nourrissent la réflexion théologique, la théologie libérale doit pouvoir offrir aux hommes et aux femmes de notre temps le cadre relationnel, émotionnel, intellectuel et social nécessaire à la cohérence de leur vie. C’est cette liberté d’être que ceux qui nous rejoignent cherchent, à ceux qui les accueillent d’être assez libres eux-mêmes pour vivre cette aventure avec eux.
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