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« Je suis comme Thomas, je ne crois que ce que je vois. »

Ce dicton que nous connaissons bien est l’expression du doute. Doute tout cartésien qui demande de voir des preuves matérielles de ce qui est dit. La parole ne suffit pas, il faut voir, expérimenter, toucher la réalité pour croire. Et la figure de Thomas est la plus représentative de ce doute qui viendrait comme une opposition à la foi.

Mais dans le récit nous racontant l’apparition de Jésus à Thomas, ce dernier n’est pas l’image du mécréant alors que les autres disciples qui croient sans se poser la moindre question, feraient figure de croyants modèles.

Il ne faut pas opposer la croyance des disciples devant l’apparition de Jésus à celle de Thomas qui viendra plus tard. Et le modèle du croyant n’est pas forcément celui auquel on pense. Thomas n’est pas la figure du doute, mais du croyant qui est rejoint.

Le soir de ce premier dimanche de Pâques, les disciples sont enfermés dans leur peur. Le corps de Jésus a disparu. La porte est fermée, ils se cachent par peur des autorités.
Ce qui n’est pas le cas de Thomas qui n’est pas parmi eux. Il ne craint pas d’être ailleurs, dehors.

Ainsi c’est dans leur peur que Jésus le Christ leur apparaît en leur annonçant la paix. Une paix au coeur de leur peur et transformée en joie en « voyant le Seigneur ». Leur croyance naît donc d’une émotion de joie qui surgit dans leur peur. Nous trouvons ici une foi qui surgit de l’émotion et peut-être que l’avertissement de Jésus sur le pardon des péchés serait une mise en garde invitant les disciples à prendre garde aux émotions en matière religieuse car cela peut vite devenir excluant.

Le témoignage, sans doute joyeux, des disciples ne suffit pas à convaincre Thomas. Il n’a pas vécu cette expérience émotionnelle. D’ailleurs il n’est pas très enclin à se laisser envahir par l’émotion. Il n’a pas peur, il n’est pas découragé et il lui en faut plus. Thomas est ici l’image du croyant rationaliste. Pas uniquement celui qui doute et remet en question — il accepte d’être croyant — mais il lui faut un peu plus que de simples témoignages de compagnons au sourire béat. Il ne croira que s’il voit, s’il éprouve la rencontre. Et ce n’est donc qu’après un temps nécessaire pour laisser retomber l’enthousiasme (qui pourrait saisir Thomas s’il se laissait à espérer un peu trop) que quelque chose se passe. Cette seconde apparition du ressuscité, huit jours plus tard, n’est pas une leçon donnée à Thomas comme pour lui faire comprendre qu’il a eu tort, mais bien au contraire, elle nous dit de quelle manière chacun peut être rencontré. Jésus l’invite à toucher du doigt la réalité, mais Thomas n’a pas besoin de cela pour confesser sa foi. Le « voir » de Thomas n’est pas celui de la rationalité mais celui de la rencontre. Il constate, éprouve la présence du vivant à ses côtés. Thomas est donc le bienheureux qui n’a pas eu besoin de voir de ses yeux pour croire, il a cru parce qu’il a éprouvé.

Ce récit met en parallèle deux manières de croire. La première, celle des disciples, est une croyance fondée sur l’émotion. Il n’y a pas de questionnement, pas de doute. Mais s’ils sont dans la joie, ils n’héritent pas du titre de Bienheureux que Jésus donnera à Thomas. Thomas représente cette deuxième manière de croire. Une croyance qui se base sur un questionnement, un doute nécessaire qui met l’accent sur l’importance de la rencontre.

Le récit d’apparition aux disciples présente un Jésus qui montre, qui se montre, tandis que l’apparition à Thomas est une parole qui invite à expérimenter, à faire un pas en avant.

Dans notre monde où la sécularisation vient donner une grande place à la rationalité, Thomas représente cette foi crédible où il ne nous est pas demandé de croire à de l’incroyable ou à du surnaturel. Ce récit présente ce christianisme qui n’a pas peur d’aller rejoindre ses contemporains dans leurs questionnements et leur besoin d’autre chose que la seule émotion.
Le Jésus du récit ne reproche ni ne remet en cause le juste questionnement de Thomas. Au contraire il s’y frotte, il s’y éprouve.
Une foi qui s’avance vers les doutes sans crainte.

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À propos Christophe Cousinié

Certifié de Sciences Po Paris dans la formation « Emouna, l’amphi des religions», Christophe Cousinié est pasteur de l’Eglise protestante à la Réunion.

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