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Un théologien témoigne

 

L’américain John B. Cobb (né en 1925) est le représentant le plus connu de la théologie du Process. Il a publié de nombreux livres, entre autres Dieu et le monde, et Thomas pris de doute, traduits en français chez Van Dieren. Fervent méthodiste (le méthodisme est le mouvement généré au XVIIIe siècle par la prédication du pasteur anglais John Wesley), il allie une réflexion fondamentale de haut niveau (influencée par la philosophie d’Alfred N. Whitehead) à de forts engagements militants (pour l’écologie, pour la dignité des femmes, pour une société plus juste et égalitaire) et à une piété très vive. Tout en restant profondément biblique, il renouvelle considérablement la compréhension du christianisme.

En 2014, il a publié un livre intitulé Theological Reminiscences (Process Century Press) dans lequel il retrace son itinéraire théologique. Dans ce livre, j’ai retenu une page qui formule très simplement la conviction profonde qui l’anime. La voici dans une traduction libre (légèrement adaptée pour la forme).

André Gounelle

 

Quand je parle de Dieu … Quand je parle de Dieu, il s’agit de Celui que Jésus nomme Abba [« mon père », « papa »]. Je ne me réfère nullement à un souverain tout puissant qui dirigerait le monde. Je ne pense pas, non plus, à un législateur moraliste rigide. Je n’imagine pas un être supranaturel qui demeurerait quelque part en dehors de ce monde et qui interviendrait de temps en temps dans ses affaires. Ceux dont la religion est liée à de telles idoles ont besoin d’en être libérés. Pour eux l’athéisme peut être un évangile. Toutefois, je crois que se tourner vers Jésus permet une libération plus juste et plus profonde que celle qu’apporte l’athéisme occidental.

Parler de Dieu n’est pas pour moi désigner un être surnaturel qui agirait dans le monde. Il n’y en a pas. Ce n’est pas affirmer l’existence d’une volonté suprême qui déciderait de tout ce qui arrive. Il n’y en a pas. Ce n’est pas se demander si on peut déduire d’un livre qualifié de « parole de Dieu » un ensemble de règles morales dont la stricte observation conduirait au Ciel. Il n’existe rien de tel. De même, parler de Dieu n’a rien à voir avec la doctrine qu’une seule et même divinité comporte trois personnes en son sein, ni avec celle que quelqu’un a été en même temps pleinement Dieu et pleinement homme. Je suis théologien et à ce titre j’ai conscience que je dois travailler et réfléchir sur de telles formulations ; mais je souhaiterais que le développement de la  pensée théologique n’ait pas créé tant de spéculations aussi énigmatiques qu’inutiles. Les écarter ne m’éloigne pas de la foi qui m’habite depuis mon enfance ; au contraire, j’entre ainsi dans ce qui en est le cœur. Parler de Dieu, c’est, pour moi, me poser et poser la question suivante : « Suis-je aimé et appelé à aimer ? Y a-t-il un projet ou un dessein d’amour qui dépasse les individus et donne sens à leur vie ? Un projet ou un dessein qui s’étend à l’ensemble de ce qui existe, à qui je puis rendre un culte et que je suis appelé à servir ? » À cette question, dans le monde moderne, beaucoup répondent : « non ». Le croyant, au contraire et non sans doutes ni hésitations, dit : « oui ». Ce « oui » n’est pas arbitraire, et ma tâche de théologien consiste à expliquer ce qui le rend crédible, à indiquer ce qu’il apporte et implique, à donner les moyens de le penser, à en éclairer la mise en pratique.

Quand je parle de Dieu, je dis « oui » à l’amour, à l’amour qu’on reçoit, à l’amour qu’on peut donner, à l’amour qui, je le crois, est la vocation de chacun de nous et celle de l’univers tout entier.

D’après John B. Cobb Publié avec l’aimable autorisation de Process Century Press

 

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À propos André Gounelle

est pasteur, professeur honoraire de l’Institut Protestant de Théologie (Montpellier), auteur de nombreux livres, collaborateur depuis 50 ans d’Évangile et liberté.

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