Double lecture

Il me semble que j’ai deux manières bien distinctes de lire la Bible. La première est plutôt d’ordre artistique. De même que je relis certains romans de Jane Austen ou que je regarde encore et encore certains vieux films américains, je me replonge avec bonheur dans certaines ambiances bibliques. Cela ne signifie évidemment pas que ces livres n’aient pas la capacité de susciter la réflexion. Et il y a bien sûr une distance historique et culturelle indéniable. Mais les expériences humaines vécues par les personnages, dont certains vous semblent familiers, peuvent quand même rencontrer des éléments et des émotions de votre réalité. Quand je lis certains passages, je les imagine, je vois les scènes, c’est presque comme si le film se déroulait devant mes yeux. Parmi les chefs d’œuvres que je relis en traduction française, il y a la Genèse, Ézéchiel, Jonas, Qohelet, Daniel ou encore l’évangile selon Marc. Et si j’ai besoin d’aide pour laisser une tristesse enfouie s’exprimer, rien de tel que certains psaumes.

La deuxième manière est assez opposée à la première. En découvrant la Bible dans son ensemble, il y a une dizaine d’années, j’ai été impressionnée par le nombre de pages qui n’avaient pas le moindre sens pour moi. Et au premier rang de ces incompréhensions se trouvent les lettres de Paul. J’avais l’impression de lire des réponses mais je n’avais aucune idée des questions qui avaient pu les susciter. Comprendre ne serait-ce qu’une phrase me semblait insurmontable (et je l’ai dit à de nombreuses reprises à mes professeurs de Nouveau Testament, qui ont été bien patientes). Alors dès que je le peux, pour mes travaux d’étudiante, je choisis des passages incompréhensibles. Et pendant plusieurs semaines, je les dissèque, mot par mot, je lis des articles, des commentaires. Petit à petit, les imbrications logiques se révèlent, le brouillard se dissipe. J’ai fini par être capable de comprendre quelques textes de Paul. Je fais de la Bible aussi un maître d’enseignement : c’est elle qui m’a fait faire le plus d’efforts dans mon parcours universitaire.

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