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La Résurrection : une parole qui décloisonne

La proclamation « Christ est ressuscité » ne se présente pas comme la solution à l’échec de la Croix mais au contraire comme sa validation en même temps que son interprétation créative. Proclamer la Résurrection du Christ c’est affirmer que l’échec de la Croix est porteur d’une puissance de vie inattendue en même temps qu’insoupçonnée. Ce n’est pas un Messie glorieux qui est vainqueur du mal et de la mort mais un Messie crucifié. C’est Jésus, « le crucifié » (Mc 16,7) qui est ressuscité, pas un « super héros » qui n’aurait connu qu’une apparente défaite. La Résurrection du Christ est ainsi en discontinuité avec les attentes religieuses traditionnelles — celles de sauveurs tout-puissants — qui viennent se briser sur le bois de la Croix. De ces attentes religieuses, la Résurrection du Christ propose une nouvelle interprétation, une nouvelle reconfiguration.

L’apôtre Paul a tout particulièrement laissé travailler en lui la puissance créatrice de l’échec que constitua la crucifixion de Jésus (cf. 1 Co 1,18-25). Pour lui la Croix est le lieu où, désormais, Dieu se révèle : dans le Crucifié, Dieu est solidaire de l’homme dans sa misère native. La foi pascale selon laquelle Dieu a relevé un crucifié d’entre les morts fait naître une nouvelle manière de penser Dieu. À la Croix, Dieu se révèle, non sous la marque de la force et de la puissance mais sous le masque de la faiblesse et de la mort. C’est pourquoi l’échec de la Croix peut être compris à la fois comme une déconstruction des images classiques de Dieu et une ouverture décisive dans l’impasse et la fermeture de l’existence humaine. La proclamation pascale rend compte d’une rupture et d’une refondation de l’histoire personnelle des croyants qui a prétention à l’universalité. Les disciples deviennent les témoins d’une vérité universelle parce que singulière : ce qui fut décisif pour eux peut l’être pour chaque être humain.

La résurrection de Jésus ne relève pas de la preuve matérielle, mais d’une révélation qui ouvre sur une nouvelle compréhension de Dieu, de soi-même et du monde. La proclamation « Jésus est ressuscité » fait événement de vérité pour celui qui la reçoit dans la foi. Ceci est bien exprimé dans le récit de la rencontre de Jésus et de Marie-Madeleine (Jn 20,11-18). De ce texte d’une grande richesse je retiens deux éléments centraux. Premièrement, aucun passage du Nouveau Testament ne souligne de façon aussi forte que voir Jésus ressuscité n’est, en aucune manière, synonyme de croire en la résurrection. Marie ne cesse de voir Jésus, mais elle ne le reconnaît pas. C’est seulement lorsqu’il s’adresse à elle qu’elle le reconnaît (v. 16). Christ est ressuscité dans la mesure où la résurrection signifie, pour Marie, une nouvelle compréhension d’elle-même au moment où Jésus l’appelle par son nom, c’est-à-dire la reconnaît comme sujet singulier. Second point, le fait que Marie ne peut plus avoir accès à Jésus comme auparavant : « Ne me touche pas », lui ordonne-t-il (v. 17). Il y a un écart entre le Jésus terrestre et le Ressuscité, lequel ne se rencontre que dans la foi, c’est-à-dire dans une relation de confiance capable de refonder en profondeur l’existence. C’est un déplacement et une rupture : la résurrection n’est pas la reprise de la vie antérieure. On ne peut plus avoir le même rapport avec Jésus et avec sa propre existence qu’auparavant. L’expérience pascale déplace et ouvre sur autre chose. Elle décloisonne le monde et les représentations que l’on en a.

La proclamation de la résurrection s’inscrit en faux contre la fatalité et le désespoir laissant ouvert un possible quand, à vues humaines, tout semble clôturé. La proclamation de la résurrection opère une ouverture dans les contingences de ce monde. C’est ainsi qu’il faut comprendre la parole de Paul : « Si nous espérons en Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes » (1 Co 15,19). Tant que nos existences n’ont pas d’ouverture à une altérité, tant qu’elles se limitent à ce qui est constatable et admis comme évidence, tant qu’elles s’épuisent dans une simple jouissance des biens de ce monde, alors nous sommes malheureux parce que morts quoiqu’en apparence vivants.

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À propos Élian Cuvillier

est ministre de l’Église Protestante Unie de France. Après avoir enseigné le Nouveau Testament pendant plusieurs années à l’Institut Protestant de Théologie (faculté de Montpellier), il est aujourd’hui en charge du Master en théologie appliquée, dans lequel il encadre les futurs pasteurs.

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