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Rencontre avec le diable (Matthieu 4,1-11)

Quel curieux personnage que le diable. Toutes les religions le connaissent, parce qu’il faut bien renvoyer sur quelqu’un d’autre tous les malheurs du monde et toutes les fautes des hommes. Mais est-ce une réalité, une personne, ou simplement un mythe, une dimension de l’humain, celle qui l’incline vers le mal, tandis que Dieu serait la dimension qui l’incline vers le bien ?

On se demande pourquoi Dieu, dans sa grande bonté, a créé le diable et les malheurs qui s’en suivent. Et comment peut-il se faire que ce Jésus qui vient d’être touché par l’Esprit de Dieu lors de son baptême, puisse être soumis dans le désert à la tentation, livré au diable ?

Nous pensons bien que la rencontre est imaginée par la tradition de la première Église, comme un mythe. Si bien que les tentations dont il est question sont aussi celles de Matthieu, ou des juifs convertis auxquels il s’adresse, ou même les nôtres.

Deux événements se suivent dans les textes : le baptême de Jésus, où les cieux s’ouvrent pour que l’Esprit tombe sur lui, et ces tentations où les royaumes s’ouvrent pour que le diable tombe sur lui. Jésus sort de l’eau qui purifie pour aller se salir dans la poussière du désert. Il reçoit du ciel la sagesse de Dieu, puis va batailler avec les difficultés pour vivre sur la terre. Sa « consécration » est double ; elle vient du ciel et elle vient de la terre.

Un des mots pour dire désert en hébreu est Midbar, ce qui signifie l’absence de parole. Le désert est le domaine du silence. Et c’est justement la parole de Dieu qui, prenant la place de ce silence, sauve Jésus de la tentation. Il est écrit, il est écrit, il est écrit, répété trois fois, une fois pour chaque tentation. Parole qui est le contenu d’un Livre écrit, l’âme d’Israël, son code moral, le Logos, la sagesse de Dieu descendue sur la terre et qui, ici, s’oppose au diable.

Les trois réponses de Jésus aux insinuations de Satan : « Si tu es fils de Dieu » ne sont pas messianiques et ne supposent aucun pouvoir surnaturel de la part de Jésus. C’est le diable qui voudrait faire faire à Jésus des miracles. Les réponses de Jésus rappellent simplement l’obéissance demandée à tout homme juif. Le Fils bien aimé puise sa force dans ce que le Dieu des Écritures demande à tout être humain.

La première tentation, celle de changer les pierres en pain, est repoussée par une citation du Deutéronome qui évoque la traversée du peuple d’Israël dans le désert et justement la manne qui était tombée du ciel parce que le peuple avait faim. Avec le Fils bien-aimé, fini les miracles, plus rien ne tombe du ciel. Dieu n’est plus que dans sa Parole, comme le précise Matthieu : « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu. » Le Dieu de Jésus n’est plus un faiseur de miracles, il n’intervient que par sa parole. Parole venue du ciel lors du baptême, parole venue du Livre lors de la rencontre avec le diable.

De même, lors des deux autres tentations, celle de croire que l’on peut s’appuyer sur les anges pour amortir sa chute, et celle de vouloir posséder les royaumes du monde, c’est encore une parole biblique qui concerne tout homme pieux, que Jésus cite pour les surmonter. Il ne s’agit pas de rêver à quelque supériorité invraisemblable mais de bien se situer dans l’obéissance à Dieu.

Nous n’avons pas de réponses à notre question : d’où vient le diable ? Pourquoi est-il là ? Nous voyons juste que Jésus s’est opposé à lui. Il ne lui demande pas : « Comment cela se fait-il que tu existes ? » Mais il s’oppose à lui à l’aide de la parole de Dieu.

Et cela rejoint une pensée moderne, défendue notamment par Paul Ricœur, suivant laquelle il est inutile de se demander d’où vient le mal et pourquoi le mal. Nous ne saurons jamais. L’important c’est de le combattre ce que fait Jésus ici contre la personne figurée de Satan. Car le christianisme, à la suite des évangiles, n’a pas pour ambition d’expliquer le monde, mais de le rendre meilleur.

Alors, comme le dit la fin du texte, le diable laissa Jésus. Et voici que des anges s’approchaient et le servaient.

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À propos Henri Persoz

est un ingénieur à la retraite. À la fin de sa carrière il a refait des études complètes de théologie, ce qui lui permet de défendre, encore mieux qu’avant, une compréhension très libérale du christianisme.

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