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Une nouvelle irruption des religions

 

À part quelques escarmouches, la laïcité en France ne faisait plus débat. Et puis, tout a changé au tournant des années 1980/1990. Exit le socialisme comme religion de substitution, une nouvelle mondialisation est en marche, elle est technologique, économique, culturelle, migratoire. Le fameux État-Nation à la française tremble sur ses bases politiques et économiques car la construction européenne érode sa souveraineté. Sur le plan religieux, les Français sont, dans leur grande masse, devenus d’anciens catholiques. Cette sécularisation des mœurs des années 1960 avait finalement maintenu une certaine homogénéité culturelle et la thématique de l’émancipation continuait à structurer la vie sociale et celle des idées. Mais voilà que les religions (re)font irruption, non pas comme convictions intimes, mais comme mœurs, comme traditions, y compris souvent inventées comme le fait remarquer Michel Miaille. L’islam n’est pas le seul dans ce cas, mais cristallise autour de lui les questions.

On peut toujours en appeler au droit et répéter sans cesse que la laïcité est la protection et l’encadrement de la liberté de conscience et de culte par la loi d’une République démocratique neutre sur le plan confessionnel. Il restera toujours à expliquer, à rendre vivante aujourd’hui pour les Français d’aujourd’hui, la laïcité qui est faite de principes, certes, mais aussi de pratiques. La laïcité nous oblige maintenant à réparer le politique pour pou-voir continuer à faire de la politique et ne pas se laisser entraîner dans les mortelles passions identitaires.

Les religions sont toujours des constructions subtiles et puissantes à la fois qui parviennent à coordonner l’intime et le collectif, là où la philosophie coordonne l’individuel et le public. Il faut donc accepter de plonger notre regard dans les structures symboliques profondes, c’est-à-dire religieuses car elles ont une grande incidence philosophique et politique. Marc Lienhard nous montre à quel point Luther est un véritable carrefour à lui seul. Il sera toujours une grande figure religieuse et nationale allemande. La laïcité n’est-elle que la fille devenue adulte d’un christianisme bien compris ? Cela se dit, même du côté catholique. Comment nier l’existence d’un lien entre la culture chrétienne et la liberté religieuse que connaissent les pays démocratiques ? Les études historiques nous gardent cependant des visions téléologiques trop simplistes. Opposons plutôt, à titre heuristique et régulateur, une relation rigide ou souple à ses propres convictions. Souplesse n’est pas mollesse mais rigueur quand il s’agit de saisir la complexité du monde. Il n’y a de laïcité vivante dans la cité que si l’on cultive cette laïcité intérieure, cette distance que l’on prend avec soi pour être avec les autres. Cela vaut pour toutes les religions comme pour les convictions séculières.

 

 À lire l’article de l’article de Michel Miaille « La Laïcité : penser « en même temps »l’histoire, le droit et la politique« . et l’article de Marc Lienhard  » De la distinction des deux Règnes à la Laïcité « .

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À propos Philippe Gaudin

est agrégé de philosophie et docteur de l’École Pratique des Hautes Études (Paris). Il est actuellement directeur adjoint de l’Institut Européen en Sciences des Religions et concentre ses recherches sur la laïcité et les faits religieux.

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